Quand Guernica devient Painica

Médéa Toubia | 30/03/2016

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Concours

Pour mieux répondre à la question «Comment concevez-vous la paix?», les élèves du Lycée Montaigne de Beit Chabab se sont autorisés à remodeler une œuvre de Picasso. Ceci leur a valu le prix d'excellence.

Tout a commencé avec un concours lancé par l'ONG La Troisième voix pour le Liban* et soutenu par le ministère de l'Éducation nationale, pour faire réfléchir les écoliers sur la notion de paix. Divers supports artistiques étaient permis: le dessin, la photo, la vidéo, mais aussi l'écriture de textes, pour encourager les jeunes à s'exprimer sur cette question cruciale. «En nous appuyant sur les programmes d'histoire-géo de la classe (CM2), nous sommes tombés, les élèves et moi, sur Guernica, peint par Picasso en 1937, lors de la guerre civile en Espagne. Ce tableau qui représente les horreurs de la guerre et qui dénonce les atrocités générées par les combats, nous a tout de suite inspirés pour le concours. On souhaitait le remanier. En moins de deux, les enfants avaient déjà trouvé le nom de la nouvelle œuvre: Painica», explique Sylvie Khoury, professeur d'art visuel et plastique au lycée, responsable du projet.

Guernica, référence de guerre
Dans un premier temps, les élèves sont invités à analyser tous les dessins de l'œuvre exécutée par Picasso en noir et blanc, pour mieux symboliser le deuil et la mort. Ils ont tôt fait de découvrir les membres déformés, les corps mutilés, les bâtiments en flammes qui inspirent la tristesse et la brutalité. À la question de savoir ce qu'ils proposent pour lutter contre toute cette violence, ils commencent par reconnaître les conséquences positives à vivre dans un monde en paix. «On peut se déplacer où bon nous semble (Edouard); en temps de paix, les gens sont joyeux, ils se font des amis (Yasmine); ils construisent de belles maisons, visitent des musées (Lila); ils ne jettent plus les poubelles dans les rues et dans la nature (Nicolas)».
L'idée de transformer cette scène de guerre en scène de paix se précise. Un travail collectif, par petits groupes, est amorcé. «Ce fut la première démarche de paix, au sein de la classe. Les élèves devaient proposer des idées, s'écouter, tolérer des avis différents, construire ensemble, car le travail exige concertation, entraide et solidarité» précise Sylvie.

Painica, message de Paix
Faisant appel aux talents créatifs de chacun, la maîtresse les pousse à dénouer la symbolique du conflit. Les nouveaux dessins et collages reprennent les esquisses: l'expression des visages est apaisée, la douleur s'envole, la couleur s'introduit. Des symboles d'espoir, des fleurs et des colombes apparaissent. On pousse l'audace jusqu'à «libaniser» la toile. Ici une derbaké, dans le fond une haie de cèdres du Liban sous un soleil radieux. Les dessins terminés sont rassemblés pour faire un montage collectif. L'aspect final donne la vision d'un monde pacifié. Anthony énumère les sentiments qui s'en dégagent: «La paix c'est la joie, la justice, l'amour, le respect de la nature».
Généraliser l'éducation à la non-violence est le but convoité par l'ONG qui remet le prix d'excellence au Lycée Montaigne, ainsi que d'autres récompenses qui vont dans le sens de la construction de la paix au Liban: accompagner pour une journée la FINUL dans sa mission de paix au Sud, côtoyer l'armée libanaise pendant 24 heures ou s'inviter chez la SPNL, la société protectrice de la nature au Liban.

* La Troisième voix pour le Liban est une association issue de la société civile, non confessionnelle et apolitique qui œuvre à promouvoir la culture de la paix, la citoyenneté, les droits de la femme, le dialogue et le respect de l'environnement.

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