Au cœur d'une région s'étendant de Tripoli à Beyrouth, de nombreuses églises recèlent un véritable trésor artistique : des fresques murales peintes à l'époque des Croisades, aux XIIe et XIIIe siècles. Bien que la plupart de ces œuvres soient détériorées, elles n'en offrent pas moins un merveilleux témoignage d'un savoir-faire exceptionnel et de la prospérité de la communauté chrétienne locale à cette époque, constituant ainsi un patrimoine culturel unique et remarquable.
Fresques des montagnes, fresques des villes
La plupart des peintures murales qui subsistent se nichent au sein d'une trentaine d'églises rurales du Mont-Liban, maronites ou grecques-orthodoxes. Dans la Vallée de la Qadicha, on peut visiter par exemple celles de l'église rupestre de Deir el-Salib ou de Saydet el-Derr à Hadchit, de Deir Qannoubine ou de Saydet Hamatoura. Dans le Koura, ce sont les chapelles de Sainte-Marina à Qalamoun, de Mar Mitr à Kousba ou de Mar Mtanios à Deddé qui en sont notamment ornées. À Batroun, vous pourrez admirer celles de Mar Saba de Eddé ou celles de Saydet Kharayeb à Kfar Helda et, dans la région de Jbeil, celles de Mar Charbel à Maad ou de Mar Théodoros à Behdaidate. On en a également découvert à Beyrouth: à Saint-Élie de Btina, dans la crypte de l'église Saint-Georges des grecs-orthodoxes au centre-ville et une troisième, provenant d'une église du centre-ville et exposée au Musée national.
Thèmes et personnages variés
S'il est vrai que les fresques contribuent à la beauté de l'édifice, leur fonction première était à l'origine d'ordre pédagogique. Il s'agissait d'initier les fidèles aux mystères de la religion et de les instruire. C'est pourquoi les sujets sont évidemment d'ordre religieux. Les principales scènes figurées sont ainsi en rapport avec le Christ : la Nativité, le Baptême, la Crucifixion ou la Résurrection et, surtout, le Christ triomphateur trônant en juge le jour du Jugement dernier, un thème fréquent que l'on retrouve généralement dans l'abside, lieu qui correspond au chœur, lieu le plus sacré de l'église. Le deuxième personnage le plus représenté est celui de la Vierge: on la rencontre au cœur de la scène de l'Annonciation, trônant en Majesté, avec l'enfant Jésus, allaitant ou lors de sa mort dans l'émouvante scène de la Dormition où son âme, figurée sous la forme d'un nouveau-né emmailloté, est emportée au ciel par le Christ lui-même. Les évangélistes Matthieu, Marc, Luc et Jean apparaissent parfois. Les saints, modèles de vie pour les chrétiens, se reconnaissent grâce à leurs attributs ou grâce aux inscriptions syriaques ou grecques qui les accompagnent. D'autres personnages sont également représentés comme les apôtres, des évêques, des prophètes et patriarches de l'Ancien Testament, comme Abraham ou Moïse mais aussi des donateurs ayant financé la fresque.
Style local, style byzantin
Le style adopté le plus couramment relève d'une tradition syriaque locale, avec des personnages aux poses raides et frontales exhibant des visages aux grands yeux largement ouverts. Parfois les peintures adoptent le style byzantin, plus gracieux, dynamique et expressif. Et plus rarement, on assiste à un subtil mélange des deux influences artistiques.
Technique et couleurs
«Fresque» est un mot qui provient de l'italien «a fresco», c'est-à-dire «dans le frais». C'est une technique particulière de peinture murale qui consiste à peindre, comme son nom l'indique, sur un enduit frais.
Aussi le peintre doit-il être assez habile et rapide pour exécuter son œuvre en quelques heures uniquement. L'enduit ayant bien absorbé les pigments, une longue tenue des couleurs est ainsi garantie. Celles-ci, vives et chaudes, comprennent, outre le noir utilisé pour le pourtour des figures, le bleu, généralement employé pour le fond de la scène, le jaune ocre pour les nimbes qui auréolent les têtes des personnages saints, et le rouge pour les vêtements.
Une seconde jeunesse pour certaines fresques
L'AREFML compte à son actif la restauration de plusieurs fresques, exécutée par des équipes qualifiées de spécialistes polonais, russes ou italiens. Les dernières peintures à avoir bénéficié d'une «remise à neuf» peuvent désormais être admirées dans le moindre détail à l'église Saydet el-Rih d'Enfé et à Saint-Phocas d'Amioun.
Une association au secours des fresques
Ces œuvres sont, par nature, fragiles. Si l'on ajoute à cela leur âge respectable ainsi que d'autres facteurs, comme l'humidité et l'infiltration des eaux de pluie dans les murs, l'abandon des sites, la négligence, le vandalisme ou de mauvaises restaurations, l'on comprend l'état de dégradation de la plupart d'entre elles. Consciente de l'importance de ce patrimoine culturel inestimable menacé de disparition, une Association pour la restauration et l'étude des fresques médiévales du Liban, l'AREFML, (http://www.fresquesliban.com/) a vu le jour en 2006 pour sauver les fresques, les étudier et les mettre en valeur.