Peinture fraîche sur vieux murs

Cynthia Stephan | 27/09/2017

Art

Beirut Digital District

Sur la facade d'un immeuble délabré par le temps et la guerre civile, un impressionnant graffiti trône désormais. L'œuvre est réalisé par l'artiste américano-cubain Jorge Rodriguez-Gerada. Elle représente un jeune garçon étendu, bidouillant ce qui semble être un circuit informatique. Le mur se situe dans Beirut Digital District.

Qui est Jorge Rodriguez-Gerada ?
Né à Cuba en 1966, il a grandi aux États-Unis. Il fut, dans les années 90 à New York, un des pionniers du « Culture Jamming » (détournement culturel) qui consistait à dénoncer le mercantilisme commercial en soulignant le contraste entre l'image de marque et la réalité de la société. Pendant ces années, Rodriguez-Gerada a modifié d'innombrables panneaux publicitaires, notamment de marques d'alcool et de cigarettes. Il s'est aussi attaqué à un grand nombre de plaques de rue et de panneaux de signalisation, leur conférant une signification différente, toujours dans le but de sensibiliser le public. La guérilla de Jorge ne manqua pas d'interpeller les médias qui se firent un plaisir de relayer son travail, notamment avec le célèbre livre « No Logo » de Naomi Klein.

Œuvres d'anonymes
En 2002, il déménage à Barcelone, où il débute sa série « Identity ». En utilisant les méthodes du marketing actuel, il redonne à l'anonyme la place qui lui revient dans la ville. Des portraits géants hyperréalistes de monsieur et madame Tout-le-monde fleurissent au coin des rues. Aucun produit à vendre ! Ces visages deviennent des icônes sociales. Jorge Rodriguez-Gerada travaille sur de vieux murs texturés, au fusain « pour sa transparence et son côté éphémère ». Ainsi, les visages déjà marqués par le temps continueront à vieillir harmonieusement. Ils vont se détériorer au fil des ans. Ils vont s'effacer. Jusqu'à disparaître.

Œuvres géantes
Cette fugacité se retrouve également dans les œuvres gigantesques de l'artiste. Des œuvres visibles uniquement du ciel. Sur des surfaces équivalant parfois à un terrain de foot, Jorge et son armée de bénévoles tracent au sol des portraits. Souvent des anonymes mais parfois aussi des célébrités comme en 2008 où 650 tonnes de terre et de sable avaient été nécessaires à la réalisation du portrait du Président Obama élu.
Le travail de Rodriguez-Gerada en galerie est dans la droite lignée de ce qu'il entreprend dans la rue. Grâce à une technique qui lui est propre, il parvient à décoller sur de vieilles maisons le revêtement de leurs murs extérieurs. Il les transfère sur des panneaux de bois et, au fusain, y dessine des parties de visages anonymes. Comme il se plait à explorer continuellement de nouveaux matériaux, Jorge a récemment débuté une série de sculptures avec le même sens conceptuel. Un artiste à suivre !

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