L’art dans la rue : rythmes et couleurs

Maria PASCALIDES | 30/10/2017

Actu Ados

Street Art

Graffiti, hip-hop, rap, DJing... Durant quatre jours, l'Institut français de Beyrouth a vibré au rythme du street art. La cinquième édition de la Folle journée du street art a mis en valeur les artistes de la scène libanaise de la culture urbaine.

Leurs pseudonymes, MoE, EpS, PHAT2, BAROK, ZED, Exist, SPAZ, XEUH ou encore Yt ! s'affichent régulièrement sur les murs délabrés de la ville, qui portent souvent les stigmates de la guerre. Ces graffitis font aujourd'hui partie intégrante du paysage urbain libanais.

Photo-graff tour à Mar Mikhaël
Pour les passionnés de graffiti et amateurs de photographie de rue, un parcours street art était organisé dans les ruelles et les impasses de Mar Mikhaël, au cours de cette Folle journée du street art organisée par l'Institut français du Liban. Meuh, graffeur français ayant vécu deux ans et demi à Beyrouth, et Bilal Tarabey, photographe de presse, ont mené le tour. Le premier a familiarisé le jeune public à la scène du graffiti qui peuple nos rues. Le second a donné des conseils techniques pour prendre des photos de rue, en exploitant l'environnement urbain: passants, ombre des branches d'arbres, texture des murs... Mais surtout la lumière du soleil. «Meuh et moi-même, souligne Bilal Tarabey, évoluons chacun à notre manière dans le même espace public, la rue, qu'on s'est appropriée.»

Communiquer à l'aide de mots et d'images
Depuis 2006, les graffeurs au Liban ont pris possession des murs de la ville, réservés durant les années de guerre aux slogans des partis politiques. Les murs sont aujourd'hui pour ces artistes de rue de parfaits canevas sur lesquels ils écrivent leur nom pour sortir de l'anonymat et se faire connaître. Ils se contentent parfois d'un tag, une signature d'une seule couleur, de taille réduite, réalisé d'un geste rapide. D'autres adoptent le throw up ou le flop. Ils écrivent leur nom avec des lettres en forme de bulles, parfois bicolores, auxquelles ils ajoutent de l'ombrage. Certains préfèrent la pièce ou la fresque qui représente un ensemble de lettres, souvent le nom de l'artiste, dont la composition est très complexe. Les lettres sont décomposées, voire réinventées. Elles sont colorées. Un contour y est ajouté pour faire ressortir le graff. Des personnages remplacent parfois les lettres, comme, par exemple, le singe d'EpS.

Le graffiti, un art avant tout
«Le graffiti est une expression purement artistique», répètent sans cesse les graffeurs filmés dans le documentaire Graffiti men de Sarah Claux. Ils veulent avant tout apporter de la couleur dans la ville et faire reconnaître le graffiti comme un art à part entière. S'ils dénoncent parfois des problèmes sociaux comme la crise des déchets ou le manque d'électricité, ils évitent toujours de parler de politique et de religion.
«Beyrouth est le paradis des grapheurs, confie PHAT2. Les autorités ne nous posent pas trop de problèmes.» D'ailleurs, sur un de ses flops, PHAT2 a inscrit son contact Instagram. «Aucun graffeur ne l'aurait fait en France où le graffiti est illégal», assure Meuh.
«Nous ne peignons jamais de graffiti sur les murs fraîchement peints, ni ceux des édifices publics ou religieux », poursuit Meuh. Les habitants des quartiers où nous peignons, inquiets au début de notre présence, finissent par nous accueillir à bras ouverts.»
Il arrive même que des propriétaires de parkings les encouragent à tagguer les parpaings du mur de clôture. Le propriétaire de la station d'essence de Mar Mikhaël leur a demandé aussi de couvrir tous les murs de sa station de graffiti. PHAT2 y a réalisé plusieurs pièces dont une en hommage à son jeune frère décédé.
Ces murs sont-ils les canevas de fous comme l'affirmaient quelques passants? «Oui, affirme Meuh. Nous achetons avec nos propres deniers les bombes aérosols qui coûtent cher au Liban pour le plaisir de bomber les murs de couleurs.»

Les manifestations street art à l'IF
L'Institut français à Beyrouth a aussi vibré au rythme du street art. Le hip-hop, culture urbaine la plus répandue, tenait une place importante. Un atelier de hip hop, organisé par Paul Haber avec des élèves de son école Triple steez crew, a attiré de nombreux novices. En moins d'une heure, ces jeunes venus pour le fun et pour la passion du hip-hop avaient capté le jeu de jambes rapides et saccadés et le déhanchement. Par la suite, des pros ont offert un spectacle de freestyle qui a ravi les enfants qui se sont mis de la partie avec les plus grands.
Deux documentaires ont été projetés. Un sur l'histoire du hip-hop, Beyrouth Street: Hip-hop au Liban, réalisé par Salim Saab. Le deuxième, intitulé Grafitti Men Beirut, a été réalisé par Sarah Claux et Nicolas Soldeville, sur les conseils de Meuh.

Ouzville, quartier coloré
Ayad Nasser était invité à l'Institut pour parler d'Ouzville, une initiative qu'il a entièrement financée à Ouzaï, situé sur le littoral, au sud de Beyrouth. Ce quartier est composé d'un amas de constructions désorganisées, aux murs délabrés. Le projet Ouzville a quelque peu changé son allure. Les bâtisses ont été peintes de bleu, rouge, jaune et vert par des artistes libanais et internationaux. Ils en ont orné d'autres de graffiti et de personnages de bandes dessinées. Le projet Ouzville a apporté de la joie à ses habitants.

La performance de digital caligraffiti exécutée par Moe pour la calligraphie arabe et par Shritfzug pour la calligraphie latine a été projetée sur grand écran en plein air. Le résultat était surprenant.

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