À l’ombre du sentier de la Fournaise

Adélaïde DUCHET | 30/10/2017

Environment

Promenade

Il ondule au fond de la vallée de la Croix, longeant la rivière de l'Or. Balade à Darb el-Yatoun, aux confins du village de Qleiat, pour savourer l'été indien.

C'est en contre-bas des cimes du Mont Sannine, dans le Kesrouan, sur «cette superbe colline», comme aimait à la décrire Sainte Rafqa elle-même, que la jeune moniale consacrait son «temps à prier et contempler la beauté de la création divine».

Beautés automnales
«Yatoun», en arabe courant (ou «atoun» en littéraire), signifie «brasier». Y avait-il autrefois des forges dans ces clairières? Y extrayait-on du charbon? Hypothèses qui expliqueraient l'appellation donnée au sentier de la Fournaise. À moins que ce titre ne vienne étayer la thèse selon laquelle la rivière qui l'avoisine et abreuve ses aubépines, ses chênes et ses colchiques d'automne roses, ait reçu son nom de Rivière de l'Or du fait que les feuilles des arbres, virent chaque mois de novembre aux couleurs de feu. Ils la métamorphosent ainsi en un long sillon doré, embrasant tout le chemin mythique sur son passage.

Labyrinthe indémêlable
Au bord de la sente, un aigle blessé par les chasseurs est venu se recueillir, tentant de camoufler son plumage entre fougères et buissons. Un asile idéal pour les oiseaux migrateurs de passage, mais aussi pour la faune sylvestre qui y loge à l'année, comme les sangliers, hyènes, loups et renards, hérissons et écureuils.
Enchevêtrés les uns dans les autres, les sentiers de la Rivière, de Sainte Rafqa, de Jouar et du Christ se recroisent inlassablement au cœur de ce feu inextinguible où Histoire et Amour sont à jamais noués.

Pas de danse et cabrioles
Un vieux pont en pierre nous permet, en route, d'admirer les galipettes tumultueuses de la rivière de l'Or par-dessus les rochers polis par son passage. Il nous donne aussi d'accéder aux trois gîtes restaurés sur le type de la «dara», maison paysanne libanaise typique dont le toit plat en pierre permettait, entre autres de faire sécher les pignons de pin ou le kechek au soleil, tout comme sa grande terrasse. Par opposition au terme «dara» était employé celui de «hara», maison plus aisée au toit de tuiles rouges, et souvent dotée de fenêtres orientales à arcades.
C'est donc ici, aux abords de la rivière, entre «dara» et sous-bois broussailleux, que les paysans, entourés de leurs vaches et de leurs chèvres, vivaient autrefois de leurs travaux agricoles, mais aussi de l'élevage du ver à soie: une production de 5000 kg par an qui a rendu la vallée, au cours du 20e siècle, particulièrement prospère.
Creuset de confidences, la Vallée de la Croix s'est faite témoin des désirs ardents, et fous aux yeux des hommes, de Sainte Rafqa. C'est en effet là que la jeune fille prit la décision d'offrir sa vie à Dieu, «parmi les rochers rugueux, les chênes et les fleurs», confiait-elle en 1914. «Là-bas, je ressentais Jésus à mes côtés. Là-bas, j'ai demandé à Jésus qu'il m'offre son cœur [...] Et j'ai pris ma décision. Ma voie lui appartenait.»

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