Si la cloche – ou plutôt la clochette – existe depuis le deuxième millénaire en Chine, elle a vite été employée par toutes les civilisations dès la plus haute Antiquité pour une foule d'usages. Adoptée également par les Chrétiens, ce n'est qu'à partir du Ve siècle qu'elle commence à être installée dans les églises. Quant aux clochers, ils voient le jour en Europe vers le VIIIe siècle et s'y répandent à partir du XIe. Sous nos latitudes, c'est sous les Croisés qu'ils surgissent. Prohibés à l'époque ottomane, ils ne réapparaissent progressivement qu'à partir du XVIIIe siècle.
Clochers du Moyen Âge
Dans le nord du Liban, subsistent deux clochers datant de l'époque de l'installation des Croisés dans ce qui fut le comté de Tripoli aux XIIe et XIIIe siècles. Au sein de l'ancien monastère des moines cisterciens à Balamand, trônant sur l'abbatiale Notre-Dame, un clocher carré massif s'ouvre sur chaque côté par une belle arcade flanquée de colonnettes. Dans la ville de Tripoli, c'est sur l'ancienne église franque Sainte-Marie de la Tour, transformée à l'époque mamelouke en Grande mosquée el-Mansouri que se dresse un magnifique minaret. Il s'agit sans doute de l'ancien clocher en forme de tour, fortement inspiré de l'art lombard d'origine italienne, comme l'indiquent les multiples baies cintrées percées sur trois niveaux.
Avant la cloche, la simandre ou naqous
Une plaque de fer ou de bois suspendue à un mur que l'on frappe avec un maillet, et voilà qu'une mélodie rythmée envahit les lieux. Cet instrument rudimentaire et discret, qui sert aujourd'hui encore pour appeler aux offices religieux dans certains monastères, a été utilisé du temps des Ottomans pour pallier l'interdiction d'utiliser les cloches.
La simandre permettait aussi de rassembler les habitants ainsi que le relate un voyageur du XIXe siècle: «Sitôt que nous étions arrivés dans un village où il y avait une église, le son d'une espèce de cloche de bois qui est en usage en ces pays donnait le signal aux habitants pour s'y rendre; chacun y accourait aussitôt».
Les clochetons de la montagne
C'est au XIXe siècle qu'on voit essaimer peu à peu des clochers sur les toits des églises et des chapelles de la montagne. Ces modestes – mais néanmoins charmants – ouvrages, implantés par les artisans locaux, généralement sur la façade principale de l'église, au-dessus de la porte, et maçonnés avec des blocs taillés dans la pierre locale, se déclinent en plusieurs formes. Les exemples les plus simples consistent en deux montants surmontés d'un arc permettant d'y suspendre la cloche. D'autres clochers sont carrés et massifs et s'ouvrent sur les quatre côtés par des baies cintrées et plus rarement, des oculi circulaires. Enfin, d'autres encore, plus élancés, sont constitués aux angles de colonnettes ou de piles qui reçoivent la retombée des arcs ou une simple traverse. Les deux derniers modèles sont couronnés par un dôme que vient coiffer une croix. Le support permettant d'ancrer le joug sur lequel se fixe la cloche fait partie de la structure du clocher et est aménagé sur les côtés, créant ainsi deux niveaux.
De discrètes ornementations
Ces monuments sont souvent rehaussés d'une palette de décors. Les arcs des baies campanaires (ouvertures du clocher) présentent des formes élégantes et variées: en plein cintre, brisés, outrepassés, en accolade ou polylobés. Les colonnettes sont surmontées par des chapiteaux soigneusement ouvragés. On peut aussi apercevoir des médaillons sculptés de motifs géométriques. Même, l'indispensable corniche qui protège la structure de la pluie, est dans certains cas habilement sculptée.