Le 6 mai 2018 : les Libanais vont choisir leurs députés

Médéa Toubia | 30/04/2018

Liban Politique

Elections

Les élections législatives vont se dérouler sur tout le territoire libanais au cours d'une seule et même journée, le dimanche 6 mai. En compétition, 917 candidats qui devront occuper 128 sièges au Parlement, pendant 4 ans. Explications.

Cela faisait neuf ans que le citoyen libanais n'avait pas exercé son droit de vote pour les législatives, car depuis 2009, les députés ont vu leur mandat renouvelé à trois reprises. Cette année, la pratique démocratique est relancée sous l'impulsion d'une nouvelle loi électorale adoptée en 2017, qui tient compte de la structure confessionnelle de ce pays aux 18 communautés religieuses. Au final, 64 députés chrétiens et autant de musulmans siègeront au Parlement.

Nouveautés: liste fermée, scrutin proportionnel, vote préférentiel
La loi électorale de 2018 s'appuie sur un nouveau découpage administratif du pays, en 15 circonscriptions (régions électorales), dont certaines peuvent comprendre de petites entités (au minimum 1, au maximum 4), appelées cazas. À titre d'exemple, la grande circonscription du Liban-Nord regroupe 4 cazas (Batroun, Koura, Zghorta, Bécharré).
Le candidat qui désire se présenter dans une circonscription doit intégrer une liste de plusieurs noms, affiliée à un courant politique déterminé ou indépendant. La répartition confessionnelle des sièges de la circonscription est nettement affichée et plusieurs listes peuvent s'affronter dans la même circonscription. Les listes sont dites «fermées» car l'électeur ne peut ni ôter ni ajouter un nom de la liste, ni «panacher» (déplacer le nom d'un candidat d'une liste à l'autre), lors du vote.
Pour réussir, la liste doit atteindre un seuil d'éligibilité qui représente le rapport du nombre de votes exprimés dans une circonscription, sur le nombre de sièges à pourvoir. Exemple: Si le nombre de suffrages exprimé dans une circonscription est de 75000 voix, on le divise par le nombre de sièges à occuper qui est de 5, on obtient le nombre de 15000. Ceci représente le coefficient électoral. Les listes qui n'atteignent pas ce nombre de voix sont éliminées de la course électorale. Un nouveau coefficient proportionnel est recalculé avec les listes restantes qualifiées.
Les candidats d'une liste gagnante ne sont pas élus députés, d'office. C'est le vote préférentiel qui va départager les vainqueurs: l'électeur a le droit (non obligatoire) de sélectionner son candidat préféré parmi les noms qui lui sont soumis dans la liste de son choix (à condition qu'ils soient tous deux du même caza). Ensuite, les listes de la même circonscription sont unifiées, et l'ensemble des votes préférentiels sont comparés, en tenant compte de certains paramètres (quotas confessionnels en vigueur, nombre de sièges obtenus par chaque liste et nombre proportionnel dans chaque caza). Les candidats ayant obtenu les meilleurs scores, par ordre décroissant, seront élus députés.

Les partis qui aspirent au changement siègeront-ils au Parlement?
77 listes enregistrées vont s'affronter le 6 mai prochain. La majorité d'entre elles appartiennent aux partis traditionnels et aux familles politiques connues (Forces libanaises, Kataëb, Courant du futur, Courant patriotique libre, PSP, Marada) ou aux partis hégémoniques (au pouvoir dominant sur leur partisans comme le Hezbollah, Amal). Face à eux, l'émergence récente de nouveaux groupes indépendants (Sabaa, Vous puez, Koullouna watani, Nous réclamons des comptes, Citoyens et citoyennes de l'État...) dont les membres sont des enseignants, employés, journalistes, artistes, intellectuels, urbanistes, ingénieurs, économistes, avocats, issus de la société civile. Ils défient courageusement les partis au pouvoir. Que réclament-ils? Un renouveau de la classe politique. Que promettent-ils? Des solutions aux problèmes prioritaires des citoyens: pénurie d'eau et coupures d'électricité, déficience des institutions et des services publics, corruption, embouteillages, chômage, dégradation environnementale, gestion des déchets. Parmi leurs objectifs? Une loi civile pour tous, sur le statut personnel (mariage, divorce, héritage) ou encore, l'embauche suivant les compétences et non pas l'appartenance communautaire, etc.Certaines listes traditionnalistes ont fait alliance avec leurs rivaux politiques de toujours.

Le député au service du citoyen
Le 6 mai, plus de 3 millions d'électeurs sont attendus aux urnes pour désigner ceux qui doivent les représenter et défendre leurs intérêts. Passé l'euphorie du succès, les députés devront se rappeler que leur rôle consiste essentiellement à proposer des lois et à les voter, à demander des comptes à l'État et à forcer le gouvernement à démissionner en cas de conflit. Selon une étude de l'ONG LCPS (Lebanese center for political studies) sur la performance des parlementaires entre 2009 et 2017 (publiée dans le Commerce du Levant N°5699/Avril 2018) «les députés passent 70% de leur temps à rencontrer leurs électeurs, à communiquer ou à s'exprimer dans les médias. Ils ne consacrent donc que 30% de leur temps à leurs missions principales qui est de légiférer et de surveiller les ministres».

Les émigrés libanais vont voter pour la première fois. 92680 inscrits auront accès à 160 urnes dans 40 pays.

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