Préserver la vie dans nos forêts

Maria PASCALIDES | 30/04/2018

Environment

Biodiversité

Magda Bou Dagher Kharrat se lance dans un nouveau projet: identifier les mammifères qui vivent dans nos forêts et les fruits dont ils se nourrissent par l'ADN extrait de leurs excréments.

Avec l'ONG Jouzour Loubnan, docteur Magda Bou Dagher Kharrat, vice-présidente de l'ONG et directrice du département de la vie et de la terre, de la Faculté des sciences de l'Université Saint Joseph (USJ), mène depuis plus de dix ans des campagnes de reboisement.«Nous avons planté plus de 260 000 arbres natifs (qui poussent au Liban). Nous plantons non seulement des cèdres et des genévriers mais aussi le sous-bois constitué d'arbustes et de buissons car notre souci est de restaurer l'écosystème avec toute sa biodiversité», explique Magda.
«De plus, depuis 2009, Jouzour Loubnan a créé à la Faculté des sciences de l'USJ, un laboratoire pour définir les protocoles de germination des arbres natifs du Liban. Ils sont mis en ligne sur la base de données www.lebanon-flora.org pour être accessibles à tous les pépiniéristes. Ils peuvent ainsi savoir quelles sont les conditions optimales de germination de ces plantes natives.»

Qui mange quoi?
Magda Bou Dagher Kharrat ne se suffit pas de planter des arbres pour restaurer l'écosystème des forêts décimées par les incendies, le surpâturage et les coupes extensives des arbres. Son nouveau projet consiste à identifier la faune qui vit dans ces forêts et les fruits sauvages dont elle se nourrit. Ce projet est financé par FERI (Forest Ecosystem Restauration Initiative) du Secrétariat de la convention de la biodiversité et US MEPI (Middle East Partnership Initiative). Liliane Boukhdoud, encadrée par docteur Kharrat, effectue sa thèse sur le sujet. «Nous avons collecté les excréments de mammifères qui vivent dans les forêts. Au laboratoire, nous isolons l'ADN de l'excrément de l'animal et des graines de fruits qu'il a mangés au cours des quatre saisons puis nous établissons le séquençage des fragments d'ADN.» Grâce à une première visite au Smithsonian Conservation Biology Institute, à Washington D.C, en 2016, Magda Bou Dagher Kharrat a pu se familiariser avec les techniques de collecte des excréments et du métabarcoding ou l'identification de toutes les espèces présentes dans un échantillon biologique en se basant sur l'ADN.
«La difficulté à laquelle on s'est heurté était l'absence d'une librairie de référence de l'ADN des animaux qui vivent dans nos forêts. Il a fallu l'établir à partir d'animaux empaillés trouvés dans la collection du révérend père Ayyoub Yacoub au musée du couvent de Mar Qoshaya à Qobeyat et dans la collection privée du taxidermiste, Fadi Nejmeh.» Une deuxième visite au Smithsonian Institute s'est imposée à Magda pour maîtriser l'extraction de l'ADN dégradé des animaux empaillés, sans contamination.

Premiers résultats
«Nous travaillons actuellement sur 18 espèces animales et plus d'une cinquantaine d'espèces végétales. Nous avons déjà identifié le chacal doré, le loup gris, le renard, la fouine et le blaireau. Par les excréments du renard, nous savons qu'il se nourrit des fruits de rosiers sauvages en hiver et d'aubépines et de prunes d'ours en été. La fouine se nourrit des fruits de genévriers. Tout comme la grive, elle a un rôle essentiel dans la dispersion de ses graines.»
«Il faudra encore une année pour récolter les données nous permettant d'identifier la faune de nos montagnes et les fruits dont elle se nourrit, de comprendre comment ces animaux contribuent à la dispersion des graines, quels sont les arbres qu'il faudrait planter pour que ces mammifères survivent et que l'écosystème soit préservé.»

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