Osez en parler

Maria PASCALIDES | 26/10/2018

Liban Société & Culture

Initiative

L'association Himaya a lancé une nouvelle campagne intitulée Dawwi 3al Ghalat*, pour encourager toute personne au courant d'un cas d'abus commis à l'encontre de mineurs, à le dénoncer.

Quand on sait qu'un jeune au sein de la famille, à l'école ou dans la rue subit une violence physique ou morale, on ne peut pas se taire. De plus, il est inacceptable de demander à un enfant qui subit des abus sexuels de ne pas dénoncer le coupable car comme l'avouent des enfants abusés, ils sont menacés: «je te tuerai si tu parles» ou «tais-toi c'est honteux d'en parler» ou bien «tu finiras par oublier en grandissant.»
«Nous recevons chaque année, en moyenne, 1500 cas de violence commise sur des innocents, souligne Lama Yazbeck, directrice exécutive de l'association Himaya. De ces cas, 10% sont classés abus sexuels. Or l'étude, effectuée en 2008 sur cette forme d'abus, montre que nous sommes loin de la réalité. En effet, au Liban, un mineur sur six est victime d'abus sexuel et dans 79% des cas le coupable est un membre de la famille.»
«L'association Himaya travaille depuis dix ans sur les abus commis à l'encontre des mineurs. La principale difficulté que l'on rencontre est d'arriver à ces enfants maltraités. Les tabous sociaux au Liban rendent notre tâche difficile. Il faut les briser sans plus tarder et parler, d'où l'importance de notre nouvelle campagne», surenchérit Lama Yazbeck.

Protéger l'enfance
«Les activités de sensibilisation à la violence que nous menons dans les écoles ou ailleurs sont un moyen pour nous de découvrir des cas d'enfants violentés, explique Serge Saad, directeur opérationnel de l'association. Au cours des exercices, l'enfant apprend à se protéger contre des adultes irresponsables. À travers des jeux d'équipe, par exemple, il apprend à communiquer de manière non violente. Le programme du « sports for development » les initie à acquérir confiance en eux, à relever les défis, à se sentir plus forts. Ils apprennent aussi à planifier les étapes pour atteindre leur but.»
«Il est vrai que le nombre de personnes qui dénoncent les cas d'abus augmente, affirme Lama Yazbeck. Grâce au travail de Himaya, les gens qui nous appellent sont de plus en plus nombreux. En 2016, 244 personnes nous ont contactés pour dénoncer des cas d'abus. En 2018, nous avons déjà reçu 322 appels.» C'est bien mais ce n'est pas assez.
«Le principal objectif de la campagne, Dawwi 3al Ghalat, est de sensibiliser la société à ces problèmes et encourager toute personne à signaler les abus commis sur un mineur, poursuit Lama Yazbeck, Quand on sait ou qu'on doute, il faut oser dénoncer. C'est la responsabilité de tous.»
«La personne qui nous appelle, précise Lama Yazbeck, n'a pas besoin de donner son nom, ni son lien de parenté avec la victime. Elle doit juste nous donner des informations pour qu'on puisse intervenir auprès de l'enfant violenté, abusé ou même négligé.»
«Himaya envoie alors une équipe formée d'un psychologue et d''une assistante sociale pour évaluer la situation, explique Serge Saad. Nous travaillons avec les personnes concernées, parents et enfants. Si les parents ne coopèrent pas, on doit référer le cas au juge des mineurs, pour protéger l'innocence en danger. C'est notre but ultime.»

* Lancée à partir du Grand Sérail, cette campagne a été placée sous le haut patronage du Premier ministre, Saad Hariri. Elle est soutenue par le ministre des Affaires sociales.

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