«T’es qu’un nul»

Médéa Toubia | 26/10/2018

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«Tu veux ce livre? Viens le chercher». «On t'a préparé un bon bain froid». «Un mot et t'es fini»... Ça, c'est du harcèlement. Un phénomène qui touche les milieux scolaires au Liban et ailleurs. Au Grand Lycée franco-libanais de Beyrouth, élèves et professeurs ont abordé cette question d'actualité et en ont même fait le sujet d'un court métrage.

Délibérant sur le thème du harcèlement à l'école avec ses élèves durant le cours d'éducation civique et morale, Carla Chamoun, enseignante en CE2E au Lycée a l'idée d'impliquer ses étudiants pour réaliser un petit film sur le sujet, destiné à sensibiliser toute l'école. «Le harcèlement est un comportement agressif (physique ou pas) qui se traduit par des moqueries, menaces, insultes et humiliations de la part d'un enfant ou d'un groupe contre un autre élève. Qui mieux que mes élèves de 8 et 9 ans pour tenir les rôles et exprimer une réalité dont ils ont pu être été témoins?»

Le harcèlement n'est pas un jeu
Toute la classe s'y met pour écrire le scénario, décider du casting et choisir le lieu du tournage. Un véritable travail d'équipe qui englobe même certains parents qui prêtent main forte, s'agissant d'assurer les déplacement, de produire et de réaliser le film ou de le diffuser dans une salle de cinéma de la ville. Quelques acteurs témoignent: «Le film a aidé à visualiser le harcèlement et à le présenter comme un véritable fléau qui peut détruire une personne», dit Sophia Awad. Paul qui tient le rôle de la victime avoue que c'est une grande souffrance d'être soumis à des attaques incessantes. Quant à Alex Younès qui joue le rôle d'un des harceleurs, il se défend avec humour: «Je ne suis pas comme ça en réalité. On m'a choisi car je joue bien la comédie». Faisal Chéhab atteste qu'avec la gentillesse on peut ouvrir une nouvelle page. «Avec son grand cœur, Paul a retourné la situation en sa faveur et a fait honte aux harceleurs. Il faut éviter de faire du tort à autrui», conclut-il dans le film.

Apprendre à communiquer sans violence
Après la projection du film, la direction du Lycée invite l'équipe pédagogique, les psychologues de l'école et les parents à poursuivre le débat. Dr Nayla Nahas, chef du département de psychologie à l'université de Balamand souligne le caractère intentionnel et répétitif du harcèlement. Elle se penche sur les motifs du harceleur: cache-t-il une souffrance? A-t-il un sentiment d'infériorité? Elle met l'accent sur la nécessité d'apprendre à la victime à construire sa propre défense. Mais qu'est-ce qui pousse au harcèlement? «Un contexte socio-culturel qui prône la loi du plus fort ou qui montre aux enfants qu'il est facile de contourner la loi, de ridiculiser les autres. Une incapacité des parents à gérer l'impulsivité et les émotions négatives de leurs enfants, à appliquer des limites fermes ou à leur prêter une écoute attentive. Quant à l'école, lieu de socialisation par excellence, elle devrait promouvoir les activités de collaboration et d'entraide entre les élèves, agir sans les juger envers ceux qui ont des comportements inacceptables et poser des sanctions éducatives.» Suite à cette initiative, certains délégués des classes de 4e demandent à être formés à la médiation et à la résolution des conflits par la négociation, dans le cadre scolaire. Dernier conseil: soyez vigilants avec les portables. 90% du harcèlement s'effectue par le biais des réseaux sociaux.

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