La caravane de l'atelier d'art mobile de la Fondation Saradar s'est installée dans le jardin de Jesus and Mary School – Rabweh, sa première destination. Elle y restera 4 mois pour permettre à 566 élèves répartis sur 33 classes (de la 8e à la 4e) de bénéficier d'un programme tout à fait nouveau, consacré à la découverte et l'appréciation de l'art moderne et contemporain au Liban. Puis, la caravane ira poursuivre sa mission ailleurs, dans d'autres écoles.
Une approche interactive et ludique
Chaque jour, au cours de la grande récréation, Michaël, Edwin et les copains franchissent la passerelle qui relie la cour de leur école à la caravane et pénètrent dans un monde de couleurs. Arlette Nehmé, artiste-peintre et graphiste engagée par la Fondation Saradar, les reçoit: «Je leur présente les différentes activités. Ils choisissent celles qui leur plaisent.»
Un groupe de filles préfèrent reconstituer le puzzle géant de la toile de Khalil Zgeib Dimanche des Rameaux. À côté d'elles, d'autres peignent ou découvrent le mélange magique de couleurs à partir des trois couleurs primaires: magenta, cyan et jaune. Plus loin, Michaël, tente de retrouver les différentes teintes de la toile que Séta Manoukian a employées pour exprimer la joie de La fête en rose. À son étonnement, il s'aperçoit que le vert, le rose ou le bleu se déclinent en plusieurs tons, chacun portant un nom.
Mary et son amie scrutent la toile d'Huguette Caland La fête de l'indépendance racontée à l'Or Iman. Elles cochent sur un dépliant adapté à leur âge, les détails de la toile qu'elles ont relevés : une maison, un avion, un enfant... «L'objectif de ces activités inédites est de, non seulement, familiariser les jeunes aux œuvres d'artistes libanais, mais de les sensibiliser aux couleurs, leur apprendre à regarder une toile et à lire son cartel», ajoute Arlette Nehmé.
Les artistes au fil du temps
«À l'affiche» est le titre d'une activité qui a plu à Edwin. Il s'agit de compléter le cartel de toiles exposées en s'aidant de la frise chronologique affichée sur un mur de la caravane.
«C'est la première fois qu'une frise chronologique des artistes du Liban est construite, souligne Tania Hélou, directrice générale de la Fondation Saradar. Elle a été réalisée en collaboration avec les experts en art qui travaillent sur la Collection Saradar, regroupant 250 œuvres d'artistes du Liban. La frise débute avec la Moutassariffiya, XIXe siècle et se prolonge jusqu'à nos jours.»
Il est intéressant de noter la présence de femmes artistes libanaises dès le XIXe siècle de même que celle d'artistes étrangers, comme Olga Limansky, Boris Novicoff ou Georges Cyr qui ont vécu au Liban et qui ont participé à l'essor artistique du pays.
«La liste des artistes de la période contemporaine n'est pas exhaustive, tient à préciser Tania Hélou. La Fondation Saradar a commencé par classer les œuvres par médium: photographie, installation, sculpture, peinture... La sélection des artistes s'est faite selon certains critères, notamment leur reconnaissance internationale, leur apport à l'art libanais...»
Traveling Art Book
Traveling Art propose aux écoles un manuel pédagogique Travelling Art Book (TAB). Dix thèmes y ont été élaborés pour aborder les œuvres artistiques sous différentes perspectives: le portrait, le paysage, l'écriture dans l'art, la guerre, Beyrouth au fil du temps... Le thème est décliné selon l'âge et la maturité de l'élève.
«Chaque thème est illustré par des œuvres d'artistes du Liban puisées dans la Collection Saradar, dans les archives du Musée Sursock, auprès des galeries et des artistes contemporains», raconte Tania Hélou.
C'est à partir de thèmes choisis par l'école avant l'arrivée de la caravane que la Fondation organise les quatre séances où Arlette Nehmé présentera le projet aux élèves. Elle développera les activités soutenues par les outils pédagogiques conçus sur mesure, pour chaque classe dans la caravane. Au cours de trois séances, les élèves réaliseront leurs peintures qui illustrent le thème travaillé. «N'étant pas souvent exposés à l'art, les élèves ont du mal à s'exprimer librement», remarque Arlette Nehmé.
«Ce n'est pas étonnant, explique Rita Zgeib, responsable académique et des ressources humaines de l'établissement. Dans le programme libanais, il n'y a aucune initiation à l'art, et encore moins libanais. Nous avons adopté sans hésiter ce projet de sensibilisation au patrimoine artistique libanais. Nos élèves étaient ravis et leurs parents aussi. Mais l'introduire dans le cursus scolaire était quand même un défi.»
«En effet, ajoute Carla Choucair, responsable des relations publiques, il a fallu grignoter les heures d'arts plastiques et même parfois celles de maths ce qui n'est pas peu dire! Mais nous l'avons réalisé. C'est un succès.»