Mieux gérer notre eau, une priorité

Maria PASCALIDES | 26/02/2019

Liban

Dossier

Il a beaucoup plu cette année. Les sommets du Mont-Liban se sont recouverts de neige. Serons-nous à l'abri d'une pénurie d'eau, cet été? Docteur Nadim Farajalla, directeur de projet, changement climatique et environnement à l'Institut Issam Farès, à l'Université américaine de Beyrouth, identifie les causes des pénuries d'eau au Liban. Et préconise des moyens pour mieux les gérer.

Avec ses quarante cours d'eau (dont 23 saisonniers), ses 2000 sources et ses nombreuses cascades, le Liban a la réputation d'être le château d'eau du Proche-Orient. On estime que le pays reçoit chaque année en moyenne 8 milliards de mètres cubes d'eau. Or, après qu'une partie de cette eau se soit évaporée, qu'une autre se soit écoulée hors de nos frontières et dans la mer, il ne reste que 2,7 milliards de m3 (entre eau souterraine et eau de surface) pour la consommation.
Aujourd'hui, l'eau ne suffit plus à cause de l'augmentation de la population qui s'est aggravée notamment avec la venue des réfugiés syriens ces dernières années.
Avec le changement climatique, les précipitations ont diminué. La fonte des neiges qui alimente nos sources souterraines est insuffisante.

Nos forêts partent en fumée. «L'arbre est essentiel. Ses racines retiennent la terre et facilitent l'infiltration des eaux de pluie», rappelle Paul Abi Rached, activiste environnemental.

Réparer le réseau de canalisations
«La demande en eau augmente et nos ressources sont mal gérées», affirme Dr Nadim Farajalla. «Avant de penser à construire des barrages et des stations d'épuration d'eaux usées qui répondent à la demande croissante en eau des usagers, commençons par diminuer les pertes d'eau sur le réseau: 48% de l'eau distribuée est perdue et même parfois 80%, à cause de canalisations anciennes, détériorées qui n'ont pas été remplacées depuis 1970 ou même depuis 1940. De plus, l'augmentation du nombre d'immeubles dans les villes ne s'est pas accompagnée du développement du réseau de l'eau. De nouvelles canalisations doivent être posées et des bassins pour stocker l'eau doivent être construits. À Beyrouth, par exemple, seuls deux châteaux d'eau stockent l'eau de la capitale avant de la distribuer aux usagers. C'est insuffisant!»

L'agriculture consomme trop d'eau
«Au Liban, l'agriculture utilise 61% de nos ressources en eau, ajoute le docteur Farajalla. L'irrigation de surface qui consiste à inonder les cultures est celle qu'adoptent les agriculteurs. Ils la préfèrent à l'irrigation plus économe du goutte-à-goutte. En effet, 90% des terres agricoles sont irriguées par inondation alors que seulement 10% sont irriguées au goutte-à-goutte. Les agriculteurs reproduisent les méthodes héritées de leurs parents. Il faudrait les initier aux méthodes d'irrigation plus économes et leur fournir les moyens financiers pour les appliquer.»

Forage anarchique de puits
Pour répondre à la demande en eau qui augmente, des puits ont été forés partout dans le pays. Est-ce la solution? Ces puits ne sont pas enregistrés. Personne ne contrôle la quantité ou la qualité de l'eau extraite. Les aquifères côtiers sont devenus salins et contiennent des minéraux. Des traces de sédiments sont visibles sur les installations à la maison. La profondeur des puits atteint parfois près de 400 mètres et la quantité d'eau puisée dépasse les 100 000 litres par jour. Le niveau des eaux souterraines baisse beaucoup plus rapidement qu'il ne remonte car les précipitations sont insuffisantes. C'est le chaos!

Construction de barrages
La société civile s'est mobilisée à maintes reprises contre la construction de barrages à Janné et à Bisri. Des initiatives privées pour collecter l'eau de pluie existent mais elles restent limitées et sont insuffisantes au niveau d'un pays. La construction de barrages est utile mais encore faut-il faire des études sur l'impact du barrage sur l'environnement et étudier le type de roche sur lequel il sera construit.

Traitement des eaux usées
«Les eaux usées sont encore considérées au Liban comme des déchets dont on doit se débarrasser. Les plans pour le traitement des eaux usées visent aujourd'hui à accélérer ou à améliorer l'évacuation de cette eau alors qu'il faudrait la voir comme une source supplémentaire d'eau qui pourrait subvenir à nos besoins tout au moins dans l'agriculture par un traitement plus poussé. Mais encore faut-il des lois pour réglementer les normes de rejets de l'eau épurée par les stations pour l'utiliser dans l'agriculture», prévient le Dr Farajalla.
Établir un plan pour la gestion de l'eau et de nouvelles lois pour l'utilisation des ressources en eau, tout en respectant l'environnement est crucial pour un développement durable au Liban.

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