#Parlons_Justice à la Sainte Famille Jounieh

Stéphanie Jabre | 25/04/2019

Actu écoles

Rencontre

Les 4e du collège de la Sainte Famille française Jounieh, transformés en journalistes, ont accueilli et interviewé diverses personnalités engagées socialement et dévouées à promouvoir la justice pour tous.

Apprendre aux jeunes citoyens la valeur de la justice, n'est-ce pas les prémices de l'avènement d'un monde plus juste? Il fallait alors laisser libre cours à l'expression des élèves afin que, plume en main, ils puissent dénoncer toute forme d'injustice qui leur tient à cœur. Et quoi de mieux que d'interviewer le temps d'une matinée «tables rondes» à l'école, de fervents défenseurs de la justice dans notre société? Et de se laisser imprégner par leurs discours afin d'accomplir, plus tard, de belles actions citoyennes. C'est ainsi qu'en journalistes amateurs, les 4e de la Sainte Famille Jounieh ont préparé les badges de la journée, les trophées de remerciement à leurs invités et leurs questions en plusieurs langues, car parler justice, c'est avant tout parler avec le cœur: la justice est un langage universel.

Samir Youssef, journaliste : «Quand la justice devient une cause»
«Quand j'ai commencé à réaliser l'émission sur MTV Aatel aan al Horiyeh, j'ai très vite réalisé que mon programme aura un but humanitaire. Il aura une cause à défendre car en dénonçant la dure réalité, il fera évoluer le concept de la justice au Liban. Au début, les gens étaient choqués d'entendre à la télé des témoignages de victimes ou de bourreaux. Au fur et à mesure, les mentalités ont changé et on a eu le soutien qu'il fallait. L'éveil et la prévention que j'essaie de véhiculer en montrant certaines images peuvent faire une différence. C'est ce qui m'encourage à continuer. L'éducation des parents joue un rôle essentiel: inculquer aux enfants une certaine "discipline", les initier à leurs droits et devoirs et leur faire apprécier ce qu'ils ont sans chercher à avoir plus, de manière illégale. Il faut toujours avoir le courage de dénoncer un acte illégal, même minime, parce que le silence peut engendrer des crimes plus graves.»

La juge Thérèse Mokawem : « Justice pour la protection des mineurs »
«J'ai choisi d'être juge afin de rendre justice aux gens. D'ailleurs, chacun de vous peut porter plainte s'il est témoin qu'un mineur est en danger, ou lui-même victime d'un crime. Au Liban, la loi 422 portant sur la délinquance juvénile a été modernisée en 2002, afin de répondre aux besoins des jeunes délinquants arrêtés. Elle vise ainsi 3 buts: poursuivre le mineur de manière différente que l'adulte, avoir un tribunal spécialisé pour les moins de 18 ans, imposer des mesures alternatives, autres que la prison, telles que la rééducation et la correction dans des centres spécialisés, ou encore la probation (surveillance du mineur) selon la gravité du délit, ce qui aidera le mineur à se réadapter en société et à avoir une 2e chance. La loi 422 assure également une mesure de protection du mineur qui subit abus ou maltraitance dans son milieu : il est confié alors à une famille d'accueil. Je souhaite surtout que cette loi qui évolue pour un meilleur avenir de tout jeune délinquant, soit accompagnée de l'aménagement de nos prisons, et du développement des centres de réhabilitation dirigés par l'État», revendique Thérèse Mokawem.

Abdo Kassis, ancien prisonnier
«J'ai été emprisonné parce que je me procurais de l'argent illégalement pour acheter les médicaments de ma mère atteinte d'un cancer. La condition des prisons au Liban est minable. Les prisonniers côtoient de grands criminels, ce qui les pousse au vice davantage. De plus, une fois sortis de prison, aucun programme de réhabilitation ne facilite leur reinsertion dans la société. Vu leur passé, ils ne trouvent pas d'emploi, ce qui peut les pousser à nouveau au vol ou tout genre de crime. Évitez les mauvaises fréquentations. Et surtout, ne soyez pas complices d'un méfait: cacher un petit vol commis par un de nos amis n'est pas signe d'amour ; au contraire, cela pourrait le pousser à commettre un plus grand crime. Avouer la vérité est le 1er pas vers la justice.»


Tania Kassis : « Quand justice rime avec respect »
Tania Kassis est une artiste engagée. À travers son ONG «One Lebanon», elle a entamé le projet d'intégrer la musique dans des écoles publiques : une manière de rendre justice à des enfants défavorisés en leur donnant le droit et le plaisir de chanter. «Mon engagement a réellement commencé, quand j'ai eu l'idée de composer un hymne pour la fête islamo-chrétienne au Liban le 25 mars, jour de fête de l'annonciation. J'ai choisi des phrases de l'appel à la prière chez les musulmans qui nous parlent aussi en tant que chrétiens, et des extraits de l'Ave Maria, pour créer un chant qui rapproche les deux religions dans le plus grand respect de tous. Puis, j'ai composé d'autres titres qui dénoncent des injustices qui me tiennent à cœur: la pauvreté dans le monde, la violence et la guerre, les terres qu'on abandonne, etc. Je suis convaincue de ce que je chante et même si mes choix sont souvent un challenge, je sais que lorsqu'on agit avec respect, on atteint la justice pour tous», conclut-elle.

Sœur Georgette Njeim: «Quand justice rime avec humanité »
Religieuse de la Congrégation de la Sainte Famille Française, Sœur Georgette Njeim a travaillé durant de longues années dans al-Haggana, un bidonville d'Égypte. Dans ces quartiers de sable, elle a vu l'indicible. «Sainte Émilie de Rodat, fondatrice de notre congrégation, travaillait à détruire toutes les formes de misère, confie Sœur Georgette. À son exemple et à celui du Christ, j'ai choisi d'être une religieuse pour toute l'humanité et d'apporter de l'amour à tous ceux que j'ai rencontrés dans ces quartiers pauvres où j'étais missionnaire. Tout autour de moi était injuste: les gens que j'ai rencontrés vivent dans des maisons aux toits de paille, dans des conditions d'hygiène déplorables. Dans les rues, des chiens errants marchent avec des milliers d'enfants qui ne vont pas à l'école. Les femmes battues et maltraitées n'ont pas leur mot à dire. Face à tant de misère, j'ai créé des classes qui accueillent les enfants. Je leur ai fourni vêtements et crayons. Le fait de leur apprendre à écrire leur nom, à les prendre en promenade ou à leur donner une friandise, c'était pour moi leur rendre un peu de justice dont ils sont tant privés. Soyez reconnaissants et appréciez ce que vous avez: votre famille, votre école, vos amis et les petites choses que vous possédez. Surtout, faites grandir l'amour pour l'autre dans votre cœur. Soyez humains dans tout ce que vous faites. C'est ainsi qu'en donnant de l'amour vous serez des missionnaires de justice et de paix.»

Élie Kassab, atteint de handicap
À 17 ans, Élie Kassab fait une chute du 4e étage et se retrouve sur une chaise roulante pour le restant de ses jours. Sa vie de jeune élève, scout, aventurier et sportif bascule, mais il ne baisse pas les bras. «J'aurais pu décider de m'enfermer chez moi après mon accident, mais le fait de me retrouver en vie m'a fait réaliser que Dieu m'a donné une 2e chance. J'ai décidé d'en profiter à fond. Avec foi et volonté, j'ai poursuivi mes études, décroché un travail, me suis marié et compte fonder une famille. Je me suis surtout adonné à mes passions : basket, ski, parapente... Je suis également engagé avec plusieurs associations afin d'entrer en contact avec les ministres concernés pour appliquer entièrement la loi qui concerne les handicapés au Liban, qui nous rendra justice: l'accès facile à tous les lieux, la couverture médicale comme dans tous les pays du monde, etc. Il est injuste pour une personne handicapée de penser qu'elle est condamnée à vivre autrement que les autres parce que l'État ne lui offre pas de facilités. Quand vous croisez une personne sur une chaise roulante, regardez au-delà de cette chaise et apprenez à la connaître. Le handicap c'est dans notre esprit, apprenons à ne pas faire de discrimination et la justice règnera.»

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