Des horloges au haut de tours

Patricia ANTAKI-MASSON | 27/05/2019

Patrimoine

Liban

Nombreuses sont les tours horloges au Liban, devenues symboles d'une ville, d'une église, d'une école ou d'une université. Découvrez l'univers tout en hauteur de ces silhouettes à fière allure.

Aujourd'hui admirées pour leur architecture, les plus anciennes tours horloges ont revêtu à leurs débuts un caractère utilitaire. En effet, avant le milieu du XIXe siècle, la plupart des personnes ne possédaient pas encore de montres. Pour connaître l'heure, il suffisait alors de lever les yeux vers les cadrans des horloges haut placées ou de tendre l'oreille pour entendre résonner le son de leurs cloches.
Au Liban, on peut admirer ces monuments, modernes pour la plupart, dans toutes les régions. Parfois isolés comme dans le cas de ceux érigés par les municipalités, ils sont souvent accolés aux édifices dont ils ornent la façade principale, que ce soit celles des églises, des écoles ou des universités.

Au cœur des villes
Longtemps emblèmes d'autorité et de modernité dans les villes européennes, les tours horloges conservent leur aura et sont toujours considérées comme édifices de prestige par les municipalités libanaises ayant choisi d'en décorer leurs centres ou leurs entrées. À Amioun dans le Koura, c'est en 1920 qu'un maître en bâtiment, Assaad Moussa, érige un tel monument. D'autres, plus récents, se rencontrent à travers le territoire libanais, comme par exemple à Kfarharra dans le Akkar, à Bchannine dans le Koura, à Jal el-Dib, à Jdeideh où il affiche, outre l'heure locale, l'heure de grandes villes internationales, à Broummana, de facture minimaliste, à Jezzine dont l'horloge s'affiche non sur une tour mais sur l'arcade d'entrée du village ou sur une place de Tripoli où l'horloge orne une sculpture en forme de voile. À Qartaba, l'horloge est un cadran solaire intégré à une construction à l'allure résolument moderne. À Klayaa, au Liban-Sud, la tour horloge est une réplique de tour défensive surmontée d'une statue équestre de Saint Georges terrassant le dragon.
La plus célèbre demeure toutefois celle qui trône au cœur de la capitale, à la place de l'Étoile. Elle porte le nom de son donateur, Michel Abed, un émigré libanais ayant fait fortune au Mexique. Elle fut érigée en 1933 au centre-ville dans un style Art Déco, transférée à la rue du Fleuve durant la guerre, et ramenée en 1996 à son emplacement actuel.

Deux tours du sultan Abdelhamid II
Au cours de l'époque ottomane, de nombreuses tours horloges furent érigées à travers l'empire ottoman non seulement afin de fournir l'heure aux habitants, mais aussi comme symbole du pouvoir en place. C'est cependant sous le règne du sultan Abdelhamid II que ces constructions furent surtout encouragées et qu'elles essaimèrent dans toutes les villes majeures de l'Empire.
À Beyrouth, le gouverneur Rashid Bey demanda l'autorisation d'en ériger une, arguant du fait que les seules horloges de la capitale étaient celles des institutions occidentales et qu'il en manquait une pour les heures de prière musulmane. Celle-ci fut édifiée en 1897 par Youssef Aftimos sur la butte du Sérail et dominait alors la ville de ses 25 mètres de hauteur. C'est un véritable joyau avec ses balcons et fenêtres à moucharabiehs, exécuté avec une grande richesse et variété de matériaux tels le grès de Beyrouth, le calcaire de Jounieh, le basalte de Damas et la pierre rouge de Deir el-Qamar. L'entrée couronnée de la tughra, le monogramme du sultan, mène à l'intérieur où 125 marches en fer forgé permettent d'accéder au troisième étage. Là, une cloche de 300 kg avait été hissée et quatre horloges à chiffres arabes et latins importées de Paris y avaient été installées.
La seconde tour horloge ottomane du Liban est un cadeau du sultan Abdelhamid à la ville de Tripoli fait en 1901, en guise de commémoration de sa vingt-cinquième année de règne. Très élégante, elle aussi, elle se dresse au cœur de la place trépidante du Tell.

Horloges de clochers et de mosquées
Les clochers des églises sont souvent dotés d'horloges mécaniques ou électriques, parfois ajoutées tardivement au bâtiment initial. Si la plupart d'entre eux sont des clochers traditionnels dressés sur les toits, d'autres sont de véritables tours généralement accolées aux églises.
La plus ancienne des tours libanaises est sans doute celle qui fut réalisée par la mission protestante en 1870 pour accompagner l'église évangélique nationale de Beyrouth, au centre-ville de la capitale. À l'époque, elle faisait figure de plus haut clocher du pays et était la seule à rythmer les journées des Beyrouthins.
Une autre ancienne horloge est celle du couvent arménien-catholique Notre-Dame de Bzommar. En 1911, dans le cadre de la campagne de restauration des bâtiments initiée par le Supérieur Mgr Andréas Alexandrian, une horloge suisse Baer est installée par l'horloger Fadlallah el-Asmar sur le clocher nouvellement construit, remplacée depuis 1994 par un modèle électronique.
Quant aux minarets des mosquées, ce n'est qu'à titre exeptionnel qu'on peut y observer une horloge comme c'est le cas à la mosquée Omar Ibn el-Khattab à Mina à Tripoli.

À l'heure pour les cours
C'est également dans les écoles et universités que l'on rencontre ces tours horloges destinées à rythmer les heures de cours. Ainsi, parmi les établissements scolaires, figure la très belle horloge du collège Saint-Joseph de Antoura, emblème de l'institution. C'est sous le mandat du Père Supérieur Alphonse Saliège, en 1904, que fut réalisée cette tour d'apparence médiévale par un architecte amateur, frère Léonard Delanuit, avec des pierres jaunes importées de Marsin. Une autre tour est celle de l'école Saint-Louis à Ghazir édifiée en 1905 pour célébrer le vingt-cinquième anniversaire de l'école et exposant le buste du fondateur, Mgr Louis Zouain.
Ces monuments embellissent aussi maintes universités: à Balamand, dans les deux branches de la LIU (Lebanese International University), à Tyr et à Baalbeck ou à la AUL (Arts, Science, Technology University, Lebanon). Toutefois, la plus connue reste celle de l'AUB (Université Américaine de Beyrouth) érigée en 1874 sur le bâtiment principal du College Hall, et comportant sur chacune de ses faces une horloge du fabricant Seth Thomas.

La plus ancienne tour horloge
La plus ancienne tour horloge est la Tour des Vents érigée à Athènes au 1er siècle avant notre ère. Elle comportait huit cadrans solaires et, à l'intérieur, une horloge à eau était actionnée par l'eau qui provenait de l'Acropole.

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