À travers les dolmens de Menjez

Patricia ANTAKI-MASSON | 27/09/2019

Patrimoine

Akkar

Il y a plus de 5000 ans, des hommes érigèrent des tombes avec d'impressionnants blocs de pierre pour y enterrer leurs morts. Ces monuments parvenus jusqu'à nous ont été récemment aménagés au sein d'un circuit touristique. Bienvenue à Menjez, pays des dolmens.

Le village de Menjez se niche aux confins du Liban-Nord dans le Akkar, et domine du haut de ses 400 mètres d'altitude le Nahr el-Kébir qui sépare le Liban de la Syrie. Ce n'est pas pour rien qu'il a obtenu le label d'un des «plus beaux villages du Liban». Outre le charme du lieu aux maisons traditionnelles, il recèle deux sites archéologiques remarquables, un temple romain, Maqam el-Rabb, (le «sanctuaire du Seigneur») et une forteresse bâtie par les Croisés, le Felicium. Désormais, un troisième type de monument s'offre à la visite de ce riche patrimoine: des tombes mégalithiques de l'Âge du Bronze.

 

Un projet novateur
Ces tombes, au nombre d'une centaine, furent explorées par le père jésuite Maurice Tallon dans les années 1960. La quarantaine d'entre elles qui subsiste aujourd'hui a été récemment étudiée par Tara Steimer-Herbet, une archéologue suisse. Onze d'entre elles viennent d'être mises en valeur par la municipalité grâce à un fonds du British Council et à l'action conjointe de l'université de Genève, du Musée de Préhistoire libanaise et du Château-Musée français de préhistoire de Bélesta.

 

De curieuses tombes noires
À première vue, ces ensembles de grands blocs qui se fondent dans le paysage et que l'on rencontre un peu partout à travers les collines de Menjez ne semblent pas constituer un intérêt particulier. Mais à y regarder de plus près, on se rend compte que ces mégalithes ne se trouvent pas là par hasard. Ils sont en basalte, la pierre volcanique caractéristique de la région, de forme arrondie, d'une moyenne de 1,6 m de hauteur, et se dressent généralement en forme de cercle de 2 à 3 m de diamètre, relié à un couloir orienté vers le sud. Tout autour, une autre rangée de blocs similaires formant un carré ou un cercle délimite l'espace. Les archéologues ont pu identifier ces vestiges : il s'agit bel et bien d'un espace funéraire abritant des tombes, couvertes à l'origine, sans doute avec une voûte en encorbellement. À l'intérieur, les morts étaient enterrés à même le dallage, accompagnés d'une variété d'objets qui ont permis de dater ces monuments du Chalcolithique et de l'âge du Bronze (4e-2e millénaires avant notre ère) avec une réoccupation à l'époque romaine. À proximité, on remarque parfois les restes des murs de maisons, parfois à double abside, employant aussi des dolmens.

 

Une ancienne occupation
L'occupation du lieu depuis la Préhistoire, il y a 7000 ans, est liée à la présence d'eau et de sols fertiles, propices à l'agriculture. D'autres villages du Akkar possèdent également leurs nécropoles mégalithiques, un phénomène qui apparaît dès le neuvième millénaire en Anatolie (l'actuelle Turquie) et que l'on retrouve au Proche-Orient, en Syrie, en particulier dans la région de Homs, et en Jordanie.

 

Attention aux serpents... de pierre
Les visiteurs les plus curieux décèleront sur certaines pierres des signes géométriques comme des triangles, des cercles ou des croix, mais surtout des lignes sinueuses gravées, piquetées ou sculptées, représentant des serpents. Ce motif est en effet assez commun depuis la Préhistoire et jouait sans doute un rôle important dans les croyances des peuples agro-pastoraux. Pour le figurer, les habitants de Menjez se seraient peut-être naturellement inspirés de la vipère à cornes qui rôde de nos jours dans le village.

 

Bijoux, armes, outils et poterie
En plus des squelettes, les tombes ont livré une multitude d'artefacts. Parmi ceux-ci figurent de belles parures comme des bracelets en obsidienne, en verre bleu turquoise, ou en bronze, dont deux décorés aux extrémités de deux têtes de serpent. De nombreuses perles devaient former à l'origine des colliers et des bracelets. Elles sont de formes et de compositions différentes, provenant parfois de loin comme c'est le cas de la cornaline ou du jaspe rouge. Quelques sceaux en stéatite ornés de motifs divers les accompagnent.
On a également découvert dans les tombes des pointes de flèche, des lames de poignard et même ce qui pourrait être un brassard d'archer protégeant l'avant-bras de celui-ci du frottement de la corde.
De nombreux outils font aussi partie de ce mobilier funéraire: des éléments de faucille pour moissonner, des meules et des molettes en basalte pour broyer les céréales, une herminette en roche verte polie pour travailler le bois, des grattoirs pour le travail des peaux et des os, une lame de ciseaux en cuivre, une fusaïole en pierre pour le filage et une longue aiguille en bois.
La vaisselle en terre cuite trouvée sur place se compose de coupes, bols, plats et vases de stockage, tous de petites dimensions.


La Maison du patrimoine, pour plus d'infos
Il est recommandé d'entamer la visite par celle de la Maison du patrimoine. Vous y obtiendrez dans un cadre moderne et agréable toutes les explications nécessaires grâce aux panneaux, aux documentaires et à l'exposition des répliques d'objets trouvés dans les tombes.
Pour partir à la découverte de ces vestiges, n'hésitez pas à demander l'aide des guides qui pourront vous conduire dans une exploration pédestre d'environ 2 heures. Ou, muni du plan de l'itinéraire, explorez vous-même ces trésors, en commençant par ceux faciles d'accès, notamment l'un situé face à la Maison du patrimoine (n° 4), trois situés sur la route menant à Notre-Dame du Fort (n° 1, 2 et 3) et deux autres, 100 mètres après avoir pris la bifurcation vers le sud au niveau de la station d'essence (n° 8 et 9).
Pour mieux préparer votre visite, vous pouvez vous renseigner au 76/658606 ou envoyer un mail à [email protected]. Bonne visite !

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