Uniques et audacieuses, les oeuvres de Picasso à Beyrouth

Médéa Toubia | 03/10/2019

Art

Exposition

C'est l'événement incontournable de la rentrée. Le musée Sursock accueille l'exposition « Picasso et la famille» sous forme de peintures, sculptures et dessins venus en droite ligne du Musée national Picasso-Paris. Un hommage rendu au grand maître du cubisme et un regain d'admiration accordé au Liban, dont la vocation culturelle et artistique ne faiblit jamais.

Au cours de sa vie, Pablo Picasso a séjourné dans plusieurs villes de la Méditerranée : Aix, Antibes, Arles, Nîmes, Marseilles, Avignon, Cannes, Mougins, dont il s'est fortement inspiré.

Une expérience culturelle inédite

Sur l'initiative du Musée national Picasso-Paris et de son président, M. Laurent Le Bon, un projet « Picasso-Méditerranée » est créé pour retracer l'oeuvre du maître, inspirée du paysage méditerranéen. Enclenchée en 2017, l'exposition voyage dans une dizaine de pays du bassin méditerranéen dont la France, l'Espagne, l'Italie, la Grèce, Chypre, Malte... et s'affiche dans plus de 70 institutions, souvent sur les lieux qui ont inspiré l'artiste. Touten offrant une vision globale de l'oeuvre méditerranéenne de Picasso, le projet
qui respecte l'identité de chaque site, n'impose pas les mêmes oeuvres pour tous les pays. Chaque exposant peut établir sa propre programmation suivant le thème qu'il affectionne, et le public de découvrir les nombreuses facettes de l'artiste. À Vallauris (France), ce sont les céramiques de Picasso qui ont été mises à l'honneur. M. Le Bon, qui tient notre pays en grande estime, veut absolument que le Liban fasse
partie du réseau Picasso-Méditerranée et voit en le musée Sursock, le partenaire idéal. Mais qui pourrait faire venir Picasso à Beyrouth ?

Danièle de Picciotto

C'est elle qui fera en sorte que le projet aboutisse, et que le Liban soit placé sur l'itinéraire méditerranéen de cette exposition artistique de grande envergure. Avant même de connaître le montant des frais à encourir, elle offre de financer entièrement l'escale libanaise des oeuvres du maître espagnol. Pourquoi ? « En mémoire de mon mari Edgar, grand collectionneur d'art, fan de Picasso, promoteur assidu de tout échange culturel entre le Liban et la France ». Le coup d'envoi est donné.

Picasso et la famille à Beyrouth

Yasmine Chémali (historienne de l'Art, responsable des collections et régisseuse au musée Sursock) choisit en partenariat avec le muséePicasso de Paris, le thème de la famille, pour l'exposition que le public libanais
est convié à voir au musée Sursock du 26 septembre 2019 au 6 janvier 2020. Réunissant une vingtaine d'oeuvres, l'exposition survole 77 ans de création artistique (de 1895 à 1972) illustrant la vie de l'artiste : Picasso chef de tribu, ses enfants, mais aussi sa famille au sens plus large, ses amis ou une mendiante qu'il croise. « La famille, c'est pour dire l'amour que Picasso porte aux autres et ceci est visible dans ses peintures, tout au long de sa vie. Le choix de cette parenthèse humaine, par le musée Sursock, va
permettre aux visiteurs de suivre la carrière de Picasso, de la voir évoluer, et de mieux la comprendre », explique Yasmine Chémali ; « depuis ce tableau de la petite fille aux pieds nus, qu'il a peint à l'âge de 14 ans jusqu'à cette Maternité, exécutée à 91 ans, un an avant sa mort ».

Picasso et la famille

Dr Mohamed Daoud, (ministre libanais de la Culture) : « L'ouverture du musée à tous les publics et l'accès gratuit font de cette exposition un projet culturel fédérateur dont le Liban a grand besoin ».
Mme Salina Grenet-Catalano (chargée d'affaires, auprès de l'ambassade de France au Liban) : « Il n'était pas concevable qu'une capitale culturelle de l'envergure de Beyrouth ne puisse constituer une escale de choix pour ce projet... Picasso patrimoine mondial à Beyrouth, c'est une fierté... Les jeunes, venez nombreux ».

M. Cyril Karaoglan (assureur d'art, contributeur au projet) : « Cela fait plus d'un an que nous travaillons, discrètement, avec Danièle de Picciotto, pour le bon déroulement de ce projet. Je souhaite que les jeunes en soient les grands bénéficiaires à travers des ateliers et des rencontres pédagogiques ».

Dr Tarek Mitri (président du comité du musée Sursock) : « Aujourd'hui, après 58 ans d'activité, le musée Sursock célèbre Pablo Picasso ».

Mme Zeina Arida (directrice du musée Sursock) : « Je voudrais qu'un nombre important d'écoles, particulièrement des écoles publiques, emmènent leurs élèves visiter l'exposition. Guides et experts les accueilleront. Il ne faut pas rater cette opportunité ».

Ça se transporte comment, les tableaux de Picasso ?
Comme toute oeuvre précieuse, les tableaux de Picasso et ses sculptures ont été transportés en avion, jusqu'à Beyrouth, dans des caissons conçus spécialement à la taille de chaque oeuvre, tapissés de matériaux isolants, pour éviter les heurts et créer un micro climat autour de chaque objet. La température et le degré d'hygrométrie (d'humidité) entourant les toiles, sont constamment vérifiés. Arrivées à destination, les oeuvres ont besoin de 48h d'acclimatement pour s'adapter à leur nouvel environnement puis d'une manutention professionnelle délicate.

Les enfants et Picasso

Incrédule, Tarek (11 ans) répète: « Tu es sûre que ce sont de "vrais" tableaux de Picasso qui viennent au Liban ? Mais ça vaut très cher! » Si le nom de Picasso résonne comme celui d'une star pour la plupart, peu d'entre eux peuvent définir sa peinture. Chloé (12 ans) se rappelle que «ses tableaux sont bizarres. J'ai vu un portrait où le visage était comme un coeur et les yeux tordus». La majorité des élèves sont emballés à l'idée d'aller découvrir l'exposition, au musée Sursock. « J'aime les musées, on y voit des choses rares », dit Rania (9 ans). « C'est toujours bien de sortir de classe pour aller voir les oeuvres d'origine », approuve Rami (11 ans). Nicolas (13 ans) avoue que depuis qu'il a son smartphone, il a tourné le dos à ce genre d'activités. « Je peux voir n'importe quel tableau de Picasso en un clic». Rabih (12 ans) lui, n'aime pas aller au musée: « Tout est interdit : on ne doit pas toucher, courir, crier, s'asseoir et en
plus on ne voit que de vieux objets». Yasmine Chémali explique: « C'est vrai qu'Internet est une source d'informations importante, mais le numérique ne donne à voir que l'image de l'oeuvre. L'émotion n'est procurée qu'à la vue du tableau d'origine. L'oeuvre séduit ». Et pour ceux qui n'aiment pas rester passifs à écouter des explications, le musée promet des supports ludiques et des ateliers d'animation. « L'exposition peut motiver, et même pousser à créer. Picasso a peint son premier tableau à 11 ans ».

Site : www.sursock.museum ; mail : info@sursock.museum ; Tél. : 01/202001.

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