Femme pompier à 22 ans

Stéphanie Jabre | 29/11/2019

Actu Ados

Interview

Clara Fahd a 22 ans. Depuis 3 ans, elle est volontaire au centre de la Défense civile à Jounieh. Interview avec une pompière qui jongle entre ses études de graphisme, son part-time job et sa passion: son engagement dans la Défense civile.

Pourquoi as-tu voulu devenir membre de la Défense civile libanaise ?
J'ai toujours été fascinée par la vie de mon père qui fait partie de la Défense civile depuis 35 ans. Je demandais à l'accompagner au centre pour observer les secouristes et les pompiers. À chaque fois que je voyais une ambulance ou un véhicule de pompiers passer, j'étais curieuse de savoir ce qu'il s'y passait et comment les pompiers agissaient. Il était donc naturel pour moi d'intégrer l'équipe des sauveteurs, cela me passionnait.

As-tu fait face à la discrimination parce que tu es une femme?
Non, jamais. Nous travaillons en équipe. D'ailleurs, je n'ai jamais pensé que ce métier est réservé aux hommes. Je voulais être pompière et volontaire à la Défense civile. Je l'ai fait par amour. À mon arrivée, nous n'étions que 2 filles. Actuellement, nous formons le tiers de l'équipe. Il est certain que physiquement, il faut de l'endurance. Mais sur le terrain, nous agissons selon notre expérience, donc nous ne pouvons pas intervenir quand nous n'avons pas encore la capacité ou la compétence de le faire.

Quels sont les domaines d'intervention et d'action de la Défense civile ?
Notre mission principale est de protéger l'être humain, l'environnement et les biens. Nous intervenons alors dans 3 cas : lutte contre les incendies, sauvetage lors d'accidents (hiking, accidents de voiture, véhicules renversés, personnes coincées, inondations, etc.) et secourisme afin de porter assistance aux personnes et les transporter aux hôpitaux ou aux secouristes de la Croix Rouge. Nous pouvons assurer les 1ers secours, mais nous ne pouvons pas donner de médicaments.
En été, sous sommes surtout sollicités pour les incendies en forêts ou dans les champs en raison de la chaleur, ou pour des accidents survenus lors de hikings. En hiver, ce sont surtout des feux dans les maisons à cause d'un chauffage oublié allumé, ou d'un court-circuit ou autre, qui peuvent déclencher un incendie. Nous organisons également des séances de formation à l'action et de démonstration pratique des étapes à suivre, en cas de déclenchement d'alarme ou d'incendie, auprès des écoles, mouvements, universités et même à la demande de grandes compagnies.

Comment intégrer l'équipe de pompiers et de secouristes ?
Il faut avoir 18 ans pour devenir volontaire dans l'un des centres de la Défense civile libanaise, répartis sur tout le territoire libanais. En 3 ans, j'ai déjà suivi 2 formations de 2 mois environ chacune, en théorie et en pratique. Puis j'ai présenté un examen à l'écrit et technique pour obtenir le diplôme relatif à la formation. Nous assistons aux sessions au centre de la Défense civile. Elles portent sur les savoirs en matière de lutte contre les incendies, de sauvetage, de secourisme et de sécurité. Nous avons aussi la chance de recevoir des formateurs de l'étranger, ce qui rend les formations encore plus intéressantes. La Direction générale de la Défense civile a récemment organisé une session avec des formateurs de « Pompiers sans frontières » venus de France afin qu'ils rencontrent des équipes des différentes stations de la Défense civile au Liban.

Quelles sont les qualités d'un pompier ?
Un jeune qui souhaite devenir pompier doit être avant tout courageux : au quotidien, nous sommes confrontés à des situations dangereuses et même moralement ou humainement difficiles. L'altruisme est une autre qualité inhérente au profil d'un pompier : un volontaire de la Défense civile doit vouloir aider l'autre, le sauver et protéger son environnement. Il doit aussi aimer le travail d'équipe et être prêt à donner son temps gratuitement.

Décris-nous la journée d'un pompier
Nous sommes environ 35 personnes à la station de Jounieh dirigée par un président général. Nous sommes divisés en 3 équipes de pompiers qui se relayent durant 2 jours consécutifs par semaine, et en roulement pour les dimanches. Chaque équipe est formée d'un chef, d'un sous-chef et de l'ensemble des volontaires pompiers. Donc, je dois assurer 2 « shifts » par semaine de 15 heures environ chacun. Certains jours, nous dormons sur place. Parfois, mon horaire coïncide avec mes cours ou mon travail. Durant la journée, on discute, on se détend et on reste en alerte, en attendant le signal de départ pour une intervention. Une fois sur le terrain, le chef d'équipe nous divise et nous indique les étapes à suivre selon la nature de l'incident ou de l'incendie, auquel nous faisons face. Le conducteur du véhicule est quant à lui responsable de tout l'équipement. C'est lui qui ouvre les tuyaux à eau par exemple.

Quel est le plus dur à vivre dans ta vie de pompier ?
Ne pas réussir à sauver une personne ou à éteindre un feu est le plus difficile à gérer. Souvent alors qu'un feu est difficile à combattre ou qu'une personne est en réel danger de mort, il ne faut pas avoir peur et agir vite pour sauver la situation. Il m'est pénible de voir une personne grièvement blessée ou une maison brûler : là aussi, il ne faut pas se laisser submerger par les émotions. Cela exige une force de caractère. Lors d'une intervention, je n'ai pas réussi à secourir un homme renversé par une voiture. J'étais très affectée.

Quelle a été votre intervention lors des derniers incendies qui ont ravagé le Liban ?
Ces incendies ont nécessité la mobilisation et l'action de nombreuses équipes de la Défense civile. Dans notre région, nous avons été sollicités pour le grand incendie, survenu dans la région de Ghazir-Kfarhbab, dans la soirée du 15 octobre. Deux maisons brûlaient et nous devions gérer en même temps les personnes prises de panique et l'extinction du feu. Dans une situation de pareil danger, la tension provient surtout des habitants qui se mettent à donner des ordres et à exprimer leurs craintes. Il faut réussir à les rassurer et à continuer notre travail. Nous avons même eu besoin de l'aide d'un autre centre pour maîtriser la situation. C'était dur mais beau à la fois de contrôler le feu et de relever le défi en équipe.

Qu'est-ce qui t'encourage à persévérer dans ton engagement ?
Le plus beau sentiment quand on est pompier c'est la satisfaction de réussir à sauver quelqu'un ou éteindre un feu. La motivation vient de cette joie ressentie après les efforts fournis et le travail accompli tous ensemble. Les aînés de l'équipe nous encouragent toujours à aller de l'avant, et nous donnent ce « plus » compte tenu de leur longue expérience. Ils nous font comprendre qu'ils comptent sur nous pour assurer la relève. Leur soutien et leur confiance nous aident beaucoup et nous rendent plus responsables. J'adore être pompière. J'encourage tous les jeunes qui ont la vocation de s'engager en tant que volontaires, parce que c'est très beau et utile dans la vie, de savoir agir face à n'importe quelle situation qui se présente.

Numéro d'urgence de la Défense civile libanaise: 125.
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