Le Liban traverse une grave crise financière

Maria PASCALIDES | 30/01/2020

Liban Economie

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Le Liban croule sous une dette de plus de 86 milliards de dollars. Le poids de la dette sur l'économie du pays s'élève à 155%. Le Liban est le 5e pays le plus endetté au monde et le 1er pays le plus endetté au Moyen-Orient. Explications*.

Pour déchiffrer la crise financière, il faut d'abord comprendre comment fonctionne un État. L'argent public, l'argent de tous les citoyens que l'État utilise pour fonctionner, est principalement géré par le ministère des Finances, par d'autres ministères et par une centaine d'institutions publiques comme l'EDL (Électricité du Liban). Chaque année, le gouvernement doit présenter au Parlement son budget pour financer les objectifs qu'il s'est fixés. Le budget comprend les recettes de l'État et ses dépenses. Au Parlement, le budget est discuté. Les députés apportent souvent des modifications avant de le voter.

D'où provient l'argent public?
L'argent public est l'argent collecté par le ministère des Finances en prélevant des impôts, des taxes et des recettes non fiscales (Casino du Liban, télécoms: Alpha et MTC).
Le citoyen paye des taxes indirectes comme la TVA, une taxe de 11% sur tout ce qu'il consomme: achat de vêtements, de jouets, restaurants.
Le citoyen paye aussi des impôts directs comme l'impôt sur le revenu: l'impôt progressif sur les salaires, l'impôt sur le revenu des professions libérales (médecins, architectes...), l'impôt sur le revenu des capitaux mobiles: 10% sur les intérêts reçus sur les dépôts bancaires, l'impôt sur l'immobilier, l'impôt sur l'héritage, les droits de douanes.
L'argent que l'État a prélevé sous forme de taxes, d'impôts, droits de douanes, sert à régler les dépenses de l'État qui sont réparties de la manière suivante:
Les salaires des fonctionnaires qui représentent 39% des dépenses de l'État, l'intérêt de la dette publique soit 32% des dépenses de l'État, l'électricité (10%). Les dépenses de fonctionnement représentent 13% des dépenses de l'État. Les dépenses d'investissement comme les infrastructures, la construction de ponts, l'achat d'équipements ne représentent que 6% des dépenses de l'État. Vu que l'argent public est utilisé sur les dépenses courantes (salaires, intérêts de la dette, électricité), l'État n'a pas assez d'argent pour améliorer l'infrastructure du pays et assurer son développement économique (aide à l'agriculture, à la culture, aux hôpitaux, aux écoles). Il en résulte un malaise social. Depuis le 17 octobre 2019, la population laisse éclater sa colère dans les rues et les places publiques du pays.

L'endettement de l'État, pourquoi?
L'argent public étant mal géré depuis bien longtemps, les dépenses de l'État sont supérieures aux recettes. Le gouvernement a dû s'endetter pour couvrir ses dépenses. L'État emprunte pour rembourser sa dette auprès des banques commerciales et de la Banque du Liban (BDL), en livres libanaises et en devises étrangères, eurobonds et des bons du trésor émis en devises par la BDL. Les institutions internationales comme la Banque mondiale prêtent de l'argent à des taux d'intérêt bas et sur une longue période pour financer des projets pour le développement économique, social et l'environnement du pays.
Avec le temps, le déficit de l'État libanais s'est accumulé. La dette publique n'a cessé de grimper. Le ratio de la dette publique au Produit intérieur brut (PIB) s'élève aujourd'hui à 155%, alors qu'il ne devrait pas dépasser 5% du PIB pour que les finances publiques soient saines. Une des conséquences de l'augmentation de la dette est la dégradation de la cote du pays par les agences internationales de notation. Les possibles créanciers se méfient de l'État libanais qui doit payer des taux d'intérêt élevés pour financer sa dette. De plus, le manque de transparence du budget de l'État n'a fait qu'augmenter la dette. La note du Liban relative à la transparence de son budget est de 3/100.
La situation est grave car il y a un risque de défaut de paiement de la dette ce qui mènerait à la faillite de l'État.

Y a-t-il des solutions ?
Oui, il y a des solutions pour sortir de ce cercle vicieux. Les politiques, dans le nouveau gouvernement, doivent commencer par rétablir la confiance des investisseurs étrangers en établissant des lois qui réforment les finances publiques: programmer les dépenses et les recettes de l'État. Ils devraient établir une loi spécifique pour une plus grande transparence du budget de l'État. Il faudrait qu'ils restructurent la dette publique en élaborant des accords politiques avec les banques commerciales concernant les montants et les modes de remboursement. Il faudrait qu'ils mettent fin à la corruption et qu'ils contrôlent le gaspillage, en établissant une loi moderne pour les transactions publiques. Une meilleure collecte des impôts et des taxes s'impose. Enfin, ils doivent améliorer l'environnement des affaires (Internet, électricité...) pour attirer les sociétés étrangères. Nos politiques doivent donc, au plus vite, délaisser leurs intérêts privés dans l'intérêt public.

Liban, pays le plus endetté au Moyen-Orient
La dette publique d'un État est évaluée par rapport à l'économie du pays, son PIB (Produit intérieur brut). Le ratio dette/PIB mesure le poids de la dette sur l'économie du pays. Il est aussi utilisé pour comparer l'endettement des pays. Il est clair dans cette infographie, basée sur les chiffres de 2016, que le Liban est le pays dont le ratio est le plus élevé dans la région du Moyen-Orient. La situation n'a pas changé en 2019. Bien au contraire, le ratio s'est élevé à 155 %.

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