Alula, l’oasis aux 7 000 ans d’histoire

Médéa Toubia | 04/02/2020

Patrimoine

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Alula (al-'Ulâ), joyau du désert saoudien, autant pour ses splendeurs naturelles que pour son importance archéologique insoupçonnée, se révèle pour la première fois au grand public, à l'Institut du Monde Arabe (l'IMA) à Paris. L'exposition majestueuse de ce site – classé au patrimoine de l'humanité par l'UNESCO – se tiendra jusqu'au 19 janvier 2020.

Les premières images qui s'offrent à nos yeux sont spectaculaires. Des jardins verdoyants et fertiles, des tombes rupestres et des statues monumentales sont visibles sur les photos aériennes de Yann Arthus Bertrand. Sommes-nous bien en Arabie Saoudite ? « Recéler, sur une zone aussi réduite (30 km), autant de vestiges s'étalant sur une aussi longue période, sept mille ans, ce n'est pas donné à tous les sites ! » explique Laïla Nehmé, archéologue spécialiste du Proche-Orient et co-commissaire de l'exposition.

Alula : la petite merveille d'Arabie

Située dans le nord-ouest de l'Arabie Saoudite, la vallée d'al-'Ulâ est le résultat d'une longue évolution géologique sur des centaines de millions d'années, au cours de laquelle se sont formés d'impressionnants massifs de grès et de basalte, entre lesquels la vallée s'étire. Les premières présences humaines sur le site remontent à la Préhistoire (Paléolithique inférieur et Néolithique) avec la découverte de haches bifaces, d'outils de coupe et de peintures sur les parois rocheuses des cavernes. L'importance du rôle joué par Alula débute à partir du VIIIe siècle avant J-C sur la route de l'encens, reliant le sud au nord de l'Arabie. Après l'avènement de l'Islam, la route de l'encens devient l'une des routes de pèlerinage et en 1900, la construction d'une ligne de chemin de fer, par les Ottomans, confirme l'importance du lieu. Bien qu'elle soit située dans une région dont le climat est assez aride (il y tombe quelques rares pluies), la vallée d'al-'Ulâ en forme de cuvette, est riche en eaux souterraines accumulées depuis des époques très anciennes.
C'est ce qui explique la présence de magnifiques palmeraies. « Le système de culture de l'oasis est très ingénieux. Dépassant parfois les 20 mètres, les palmiers apportent de l'ombre et protègent du vent les arbres fruitiers (orangers, manguiers, figuiers et autres) plantés en contre-bas, qui eux apportent de la fraîcheur aux céréales, légumes et légumineuses (lentilles, pois chiches) cultivés en dessous ».

Les Royaumes préislamiques

Trois principales entités politiques vont se succéder à Al-'Ulâ à l'apogée du commerce de l'encens véritable. Cet encens qui est le plus apprécié et qui vient de la sève d'un arbre qui ne pousse que dans le sud de l'Arabie. Ce sont les Royaumes de Dadan et celui de Lihyân (du 8e au 1er siècle av. J-C) puis celui des Nabatéens (du 1er au 2e siècle, après J-C). Ces royaumes dominent les circuits marchands et développent des centres politiques et économiques prospères. De nombreux vestiges archéologiques illustrent la
richesse du passé d'Alula : deux sanctuaires dédiés à Dhû Ghaybah, divinité de l'eau et de l'agriculture. Des statues immenses de plus de 2m de haut qui sont des ex-voto déposées aux pieds des dieux pour des
demandes ou des remerciements. L'existence d'une école de sculpture, spécialisée dans la taille du grès, et des tombes finement sculptées témoignent d'un essor certain. Résidant à Hégra, les Nabatéens sont de grands commerçants installés au carrefour des routes caravanières qui traversent l'Arabie du nord au sud, d'est en ouest. Ils se rapprochent des ports de la mer Rouge, là où le commerce maritime a pris une ampleur inégalée. Hégra a livré 94 tombeaux à façades décorées, taillées dans la roche, sur lesquels sont gravés des textes en nabatéen, l'ancêtre direct de l'écriture arabe. En 106 après J-C, la Nabatène est annexée à l'Empire romain. Avec l'avènement de l'Islam en 622, les routes des caravanes deviennent les routes du pèlerinage vers la Mecque et Médine. Mais tous passent par al-'Ulâ qui constitue un passage obligé en raison de ses ressources en eau. Les Califats Omeyyade et Abbasside, puis les Ottomans, y laisseront des vestiges exceptionnels.

L'expo de l'IMA : une rencontre unique avec l'Histoire

En partenariat avec la Commission Royale Saoudienne pour Alula et d'autres collaborateurs, l'IMA réserve au public une visite exceptionnelle de cette région longtemps méconnue et qui s'ouvre pour la première fois au monde extérieur. Pour mieux accueillir et accompagner les visiteurs, des dispositifs numériques sonores et sensoriels ont été mis en place, permettant de multiplier les modes d'accès à l'information : 3D, réseaux virtuels, écrans tactiles qui favorisent l'interactivité avec le public, modules éducatifs, diffusion d'images animées, transportent le visiteur au coeur de cette région exceptionnelle d'Arabie Saoudite. « Deux projections m'ont impressionnée, révèle une adolescente de 13 ans, la reconstitution d'une cérémonie funéraire nabatéenne, dans une réplique d'un des célèbre tombeaux de Hégra, et la construction d'une de ces tombes, qui commence par le nivellement de la falaise à partir du sommet, pour se terminer au sol, entièrement sculptée ». Afin d'évoquer l'ambiance olfactive de l'oasis d'al-'Ulâ, on a poussé jusqu'à créer spécialement dans cet espace, un parfum à partir des essences de moringa, figue, datte et grenade. Dans un autre documentaire, on voit des femmes et des hommes d'al-'Ulâ, livrer leurs souvenirs et les liens qui les unissent à leur territoire. « Les habitants actuels portent la mémoire de ce patrimoine exceptionnel et les jeunes générations ont à coeur de préserver les savoirfaire ancestraux dans les domaines de l'artisanat, de l'agriculture et de l'environnement». Autour de l'expo Alula de l'IMA : week-end culinaire nabatéen, ateliers de création les mains dans l'argile, conteurs de la cour des contes, week-end artistes contemporains saoudiens, exploration de l'oasis en famille (dès six ans). www.imarabe.org

 

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