Coup de foudre pour les parapluies de Thomas

Médéa Toubia | 01/04/2020

Monde L' Europe

Métier

Chez Thomas et Sylvie Height, des parapluies endommagés retrouvent une nouvelle vie. « PEP's » leur boutique située dans l'une des plus vieilles rues de Paris, reçoit des « pépins *» venus du monde entier.

L'activité de Thomas est unique dans toute l'Europe. Il répare des parapluies, alors qu'en France, l'on en jette chaque année plus de 10 millions à la poubelle, aussitôt qu'ils se détériorent. « C'est l'une des raisons qui m'ont poussé à m'engager sur cette voie », explique Thomas, ingénieur de formation, ébéniste par passion et écologiste par conviction. « Aucune pièce de parapluie ne se recycle dans l'environnement. En réparer, c'est agir en faveur de la nature, la dépolluer et la sauvegarder. Dernièrement, j'en ai récupéré un, jeté au hasard devant moi par un passant. N'ayant pu le rattraper, j'ai réparé le parapluie et j'ai signalé çà, sur Facebook. J'attends que son propriétaire se fasse connaître, pour le lui remettre, en bon état ».

PEP's : parapluies et parasols services

Nichée au cœur du Passage de l'Ancre, la plus ancienne voie privée de Paris (elle date de 1500), la boutique de Thomas qui fait à peine 13 m2, comprend l'atelier et le magasin répartis sur deux étages. L'entreprise classée « patrimoine vivant » de France, accueille tous ceux qui essayent de sauver coûte que coûte leurs parapluies défectueux. « Le parapluie c'est avant tout une valeur sentimentale. Les gens y tiennent car ils l'ont reçu en héritage d'un parent, ou bien il leur a été offert par un
être cher ou alors il correspond à un choix très personnel. Ils préfèrent le réparer plutôt que d'en acheter un nouveau », confie Thomas, qui précise qu'une réparation coûte moins cher qu'un parapluie neuf. La France a une longue tradition dans la fabrication de parapluies faits main. Mais cet artisanat est devenu presque inexistant, sauf en ce qui concerne les grands parapluies des bergers de haute montagne, véritables abris d'hiver comme d'été. Ces ombrelles de 1m35 de diamètre environ, sont montées sur des châssis en bambou ou en bois, surtout pas en métal, pour éviter d'attirer la foudre. Thomas nous confie : « Les hommes recherchent de grands parapluies pratiques et efficaces. Les femmes privilégient l'esthétique et la mode. Les jeunes veulent le parapluie le plus petit, le plus solide et le moins cher possible ».

« Merci, continuez, n'arrêtez pas »

Le métier est technique et complexe car un parapluie est composé de dizaines d'éléments. Les pièces de rechange sont achetées en quincaillerie spécialisée ou prélevées sur des parapluies abîmés. Elles peuvent aussi être bricolées par Thomas, au besoin.
Les profonds tiroirs de sa boutique recèlent de pommons, tenons, coulants, tape-à-terre (embout du mât) et baleines en tous genres, matières de base pour ses réparations. « Je travaille de 10h à 20h et en répare une vingtaine par jour ». Ses clients varient. Certains représentent de grands noms de la maroquinerie, tels que Hermès ou le Véritable Cherbourg. D'autres arrivent de très loin, d'Australie ou des États-Unis, avec leurs parapluies sous le bras. Ou alors ce sont de simples Parisiens.
Leur enthousiasme est unanime. « Ils sont tous enchantés et nous prient de continuer à exercer cette activité salvatrice. Le métier a permis à Thomas de rencontrer des gens particuliers, comme ce collectionneur qui possède 27 parapluies, dont certains sont très précieux. » « La plus ancienne ombrelle que
j'ai eue entre les mains date de 1800. Le mât pliant est en en ivoire, rehaussé d'armatures en véritables fanons (dents) de baleine, d'où leur nom, prisés pour leur fermeté et leur flexibilité. Aujourd'hui, les baleines sont en métal d'acier ou en fibre de carbone ou de verre ».
Récemment, ce sont des professionnels des studios cinématographiques qui ont fait
appel aux services de Thomas pour réparer un grand nombre de parapluies réflecteurs de lumière d'éclairage, hors d'usage.

Ouvrir un parapluie en intérieur, ça porte malheur ?

« Pas du tout » répond, Thomas en riant. « J'en ouvre des dizaines et je suis encore vivant ».
Anciennement, les fabricants de parapluie n'aimaient pas que les clients manipulent trop la marchandise, de peur qu'ils ne la cassent ou qu'ils se prennent un coup dans la figure avec des baleines en acier pas très stables. Ils leur faisaient donc croire que si ce geste s'effectuait à l'intérieur d'une chambre, cela laissait présager un mauvais sort, à son utilisateur.

Les conseils de Thomas

N'ouvrez jamais votre ombrelle à l'horizontale car le vent s'y engouffre aisément et risque de la briser. On ouvre son parapluie, en le décantant, c'est-à-dire en l'agitant par petits coups rotatifs pour décoincer les baleines tout en le maintenant à la verticale, pour assurer une répartition équitable des forces et
de la pression, sur le sommet du parapluie.
Les baleines doivent être au nombre de 8 minimum, afin de garantir solidité et stabilité. On peut en compter 16 ou 24 sur certains modèles. Choisir un mât plutôt épais. Préféz une toile imperméable qui repousse l'eau. Les mécanismes manuels sont plus solides que les automatiques qui présentent des risques.
La poignée en bois est préférable à celle en caoutchouc. Un bon parapluie est nerveux et résonne d'un bruit sec à l'ouverture. Évitez ceux en aluminium bon marché, ils ne résistent pas au vent. Vous allongerez la vie de votre parapluie en le laissant sécher grand ouvert, après une averse.

* Pépin : mot en argot qui signifie parapluie ou problème.

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