La quarantaine au lazaret de Beyrouth

Patricia ANTAKI-MASSON | 04/06/2020

Liban

Histoire

Le confinement en quarantaine dû au coronavirus est une pratique ancestrale. À Beyrouth, c'est dans le quartier de la Quarantaine que se dressait jadis le lazaret où étaient isolés les voyageurs suspectés d'être porteurs de maladies contagieuses.

Si l'on pratique l'isolement depuis le Moyen-Âge, en particulier à l'encontre des lépreux, ce n'est qu'en 1377, lors de la Grande Peste, que le principe d'une quarantaine est instauré à Raguse (actuelle Dubrovnik, en Croatie). Les équipages en provenance de zones touchées par la peste sont contraints de séjourner pendant un mois sur des îlots proches. Le procédé est repris par le grand port de Venise et gagne ensuite le reste de l'Europe. Mais alors que les lazarets sont progressivement abandonnés au XIXe siècle sur ce continent, on les voit fleurir sur la rive sud de la Méditerranée et sur la côte levantine.
Au Liban, c'est à la pointe d'un cap au nord du port de Beyrouth, dans une zone isolée donnant sur la mer, qui porte depuis le nom de Quarantaine, que ce dispositif vit le jour au début du XIXe siècle et perdura jusqu'au milieu du XXe siècle.

Jalons historiques
En 1834, le gouverneur égyptien Ibrahim Pacha érige le lazaret de Beyrouth qui deviendra la quarantaine principale des ports de la côte levantine. En effet, les autorités égyptiennes souhaitent faire de Beyrouth l'un des principaux ports du commerce de l'Orient avec l'Europe. Mais les épidémies de peste et de choléra freinent le développement économique de la région. Ce nouveau dispositif s'avère indispensable et montre rapidement son efficacité puisque plusieurs épidémies sont ainsi maîtrisées. Toutefois, conçu pour abriter une centaine de personnes, il devient trop exigu. En 1865, une épidémie de choléra cause la mort de 3000 personnes.
Il faut attendre l'arrivée des troupes alliées pour que le complexe sanitaire soit réaménagé, en 1919, par l'armée française. Dès les années 1920, le lazaret accueille des centaines d'Arméniens et de Grecs. C'est à partir de là qu'embarquent les pèlerins pour la Mecque. En 1931, une épidémie de choléra en provenance d'Irak est stoppée. Les services de la quarantaine sont définitivement transférés à l'État libanais en 1944. Mais le lazaret devient vite obsolète avec les progrès de la médecine et l'émergence du transport aérien. Il sera remplacé en 1955 par l'hôpital gouvernemental de la Quarantaine.

Les bâtiments du lazaret
Le lazaret occupe une espace de près de trois hectares, délimité par un mur d'enceinte. À ses débuts, il se compose de trois longs bâtiments, deux pour l'accueil et l'examen et un autre comprenant une salle de garde, un magasin et une salle de désinfection. Au XXe siècle, les Français y édifient un pavillon de désinfection flanqué de deux salles de bain-douche et rénovent les anciens logements. L'infirmerie est remplacée par un hôpital doté d'un laboratoire bactériologique.

Témoignages de confinés
En 1850, l'écrivain Flaubert décrit dans une lettre son confinement: «L'appartement dans lequel je t'écris n'a ni chaises ni divans ni table ni meubles ni carreaux aux fenêtres – on fait même petit besoin (sic) par la place des carreaux desdites fenêtres...». Mais si les aménagements intérieurs laissent à désirer, le charme du lieu ne laisse pas les occupants indifférents. Le poète Gérard de Nerval rapporte en 1851 qu'«il y avait là du repos, de l'ombre et une variété d'aspects à défrayer la plus sublime rêverie».

Les plus lus