L’artisanat à portée de main

Médéa Toubia | 04/06/2020

Liban Société & Culture

Georges Frem (à g. ) et Tony Matar livrent leur marchandise.

Métier

En prenant la route en direction du nord de Beyrouth, on peut voir le long du littoral, une multitude de marchands ambulants et de petits fabricants, qui proposent des produits faits main. Découvrons leurs métiers.

Georges est un ouvrier manuel qui ne connaît pas les arrêts de travail, tout comme les maraîchers et ceux dont l'activité dépend de l'agriculture et de l'environnement. «Quand on sait utiliser ses mains, on n'est jamais au chômage. Et quand il faut de plus, se fournir en matières premières puisées directement dans l'environnement, on doit impérativement suivre le rythme des saisons et se plier aux exigences de la nature. Ce qui fait qu'on est occupé tout au long de l'année», confie Georges Frem Zgheib, artisan-vannier de son métier.

La vannerie, un métier très ancien
C'est dans le charmant village de Mounsef, situé à 47km de Beyrouth, que Georges a établi son échoppe. À l'intérieur, on peut y trouver toutes sortes de nattes, paniers, corbeilles et plats de fruits en paille, tressés selon un savoir-faire ancien et traditionnel. «Je suis originaire de Mounsef. Autrefois, la localité était une vaste bourgade verdoyante, clairsemée de rares maisons. L'art de la vannerie était pratiqué par un grand nombre d'habitants et l'on trouvait sur place, quantité de roseaux, de joncs et de bambous. Aujourd'hui, ils sont en régression sur la côte, car l'espace trop urbanisé laisse peu de place à ces denrées de base qui poussent au niveau de la mer jusqu'à une hauteur de 1700m d'altitude».
C'est dans les alentours d'Ehden, à Freydiss et dans d'autres régions avoisinantes pourvues de zones aquatiques peu profondes, que Georges se dirige pour couper les tiges dont il a besoin. Ici, les nombreux cours d'eau et les sols vaseux forment des terrains propices à la plantation et à la pousse des bambous et autres graminées.
Ces plantes, qui ont l'air d'herbes sauvages géantes, plient sans jamais rompre et peuvent résister au vent houleux pour faire une sorte de paravent aux cultures de proximité. Alignées en rangs serrés, elles jouent le rôle de barrages en stoppant tout déchet flottant qui menace les cultures en cas d'inondation et en filtrant phosphores, nitrates et autres polluants, avant qu'ils n'atteignent les champs cultivés. «Pour ma part, je viens là cueillir les bambous arrivés à maturité à la fin de l'hiver, au moment où la sève est encore retenue dans les racines, avant qu'elle ne remonte dans le tronc, car cela risquerait de le pourrir, après l'étape de l'assèchement».
Tige ligneuse creuse et rigide, le bambou-tomate, ainsi appelé car c'est celui dont se servent les agriculteurs pour soutenir leurs plants de tomates, présente des nœuds sur sa surface et de petites extensions que Georges se hâte d'éliminer à la serpe. Disposés, côte à côte, les bambous sont assemblés en vastes gerbes nouées, puis suspendus tête vers le bas, pour être séchés et assouplis au soleil. Ensuite ils sont étalés à même le sol, et sont écrasés par le roulement d'une lourde meule en pierre, qui les fendille dans le sens de la longueur, sans les casser. Évidées une fois de plus de leurs imperfections internes, ces lamelles de bambou aplaties sont prêtes à être assemblées. L'artisan choisit les brins, suivant le modèle à accomplir. Sans clou, sans vis et sans colle, il assemble de ses mains habiles, les fibres végétales et les tresse, pour qu'elles tiennent ensemble solidement, suivant des techniques éprouvées et acquises de père en fils.

Le monde change, l'artisanat aussi
«Dans le temps, les articles produits étaient voués à un usage domestique. Les nattes couvraient les sols des maisons de montagne, les paniers de grande taille étaient utilisés par les agriculteurs pour transporter leurs légumes et les corbeilles servaient de plats à fruits ou de boîtes à couture. On tissait même des balais en paille lehfé», se rappelle Georges. «Aujourd'hui, la vannerie est plus décorative qu'utilitaire et la concurrence des matières synthétiques nous a fait perdre de grandes parts du marché. Pourtant, il n'y a rien à comparer entre la fibre végétale authentique, biodégradable, et le plastique. Ce dernier se détériore et ne dure pas», affirme-t-il. Crise économique et confinement sanitaire obligent, Georges et son partenaire Tony Matar livrent leur marchandise à domicile chez le client et essayent d'en trouver d'autres. «Tisser la paille mais aussi des liens directs avec les gens fait partie des avantages de notre beau métier».

Le bambou pousse dans les milieux humides. Il se propage par ses rhizomes, des tiges souterraines qui tiennent lieu de racines émettant chaque année des pousses aériennes. L'extension à partir d'un bambou peut atteindre 15 à 20m2, en 3 ans.

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