2011/06 La musique un défi pour le cerveau

05/07/2011

Santé

Article_Musique_site.jpg

La musique nous plaît, nous émeut, mais contrairement au langage, elle ne nous procure aucun avantage concret. Au point de s’interroger : Pourquoi aimons-nous à ce point la musique ? Des élèves de 1re S au Collège Notre-Dame de Jamhour se sont penchés sur ce sujet lors de leur TPE.

 

Avant de devenir un divertissement, la musique a été au centre des premiers rituels humains. Elle a scandé les cérémonies religieuses bien avant d’entraîner les militaires ou de rythmer les fêtes. Qu’elle ensorcelle, qu’elle agace, qu’elle véhicule la nostalgie ou qu’elle inspire différents trémoussements, la musique fait partie de nos vies. Elle contribue à tisser des liens sociaux et émotionnels entre les individus. Les hymnes le font à l’échelle des nations, les groupes de rock à celle des communautés d’adolescents, les comptines entre parents et enfants. Les rythmes nous font vibrer. Leur pouvoir est immense : ils s’insinuent dans le cerveau et s’y gravent facilement.

L’oreille analyse en permanence les sons et les vibrations aériennes qui viennent frapper le tympan. Suivant tout un parcours dans le système auditif, les mélodies pénètrent dans le cortex auditif, d’où elles résonnent dans quasiment tout le cerveau. Les deux hémisphères sont mis à contribution, même s’ils jouent des rôles différents. Le gauche prend en charge le rythme, la mélodie et l’harmonie étant plutôt du ressort du droit. Les aires cérébrales dédiées à l’audition ne sont toutefois pas les seules concernées. Il faut y ajouter des aires motrices (qui interviennent lorsque l’on joue d’un instrument ou que l’on chante), des structures comme l’hippocampe (l’un des sièges de la mémoire qui s’active lorsque l’on entend un air familier), des circuits rythmiques du cervelet (qui interviennent lorsque l’on bat la mesure, avec le pied ou dans sa tête), ainsi que quelques autres.

 

Pourquoi aime-t-on la musique ?

Apprécier la musique ne confère, a priori, aucun avantage pour la survie de l’espèce humaine. On devrait pouvoir s’en passer, comme on peut se passer du sport. De nombreux chercheurs se sont demandés pourquoi alors ce trait a-t-il été conservé au cours des millénaires. Son origine « réside dans une partie du cerveau nommée système limbique, qui entre en jeu également quand nous savourons un bon repas.» Après avoir demandé à des centaines de mélomanes de décrire les émotions qu’ils ressentaient lorsqu’ils écoutaient leur répertoire favori, les professeurs de psychologie en ont répertorié neuf : émerveillement, puissance, nostalgie, transcendance, calme, joie, tendresse, tristesse et agitation. La musique sert à renforcer la cohérence du groupe. Elle répond au besoin biologique d’appartenance. C’est un élément majeur du lien social.

 

Les effets psychologiques de la musique

La musique peut contribuer à soigner. Elle s’avère efficace pour traiter des troubles neurologiques divers. Cela va de la maladie d’Alzheimer à la maladie de Parkinson, en passant par des troubles du langage, l’autisme... L’écoute régulière de la musique et surtout sa pratique montrent que les enfants qui l’apprennent mémorisent mieux les mots nouveaux.

Il est acquis pour tout le monde que la musique adoucit les mœurs, que dans les supermarchés certains airs peuvent booster les ventes ou au contraire plonger un individu dans la mélancolie. On sait aussi qu’il suffit parfois d’écouter les premiers notes d’une mélodie pour se remémorer une chanson ou pour recréer une émotion liée à un événement associé.

 

La pratique de la musique modifie-t-elle le cerveau ?

Chacun sait reconnaître une chanson, la chanter, en ressentir les émotions. Être musicien est une tout autre affaire. On considère qu’un jeune adulte de 20 ans peut avoir déjà 10000 heures de pratique instrumentale à son actif. Cette pratique imprime-t-elle sa marque dans le cerveau ? L’imagerie cérébrale apporte des réponses à cette question. L’apprentissage d’un instrument suppose une bonne coordination d’activités mentales, motrices, visuelles, mémorielles qui requièrent une attention soutenue et une bonne mémoire de travail. Si la maîtrise du virtuose atteint la perfection, comment procède son cerveau ? Car c’est bien lui qui est à l’œuvre : contrôler la position des doigts de la main gauche sur les cordes, commander la pression exercée sur l’archet, bouger les doigts suffisamment vite, vérifier la justesse des sons, ajuster le rythme, faire passer des émotions… Le violoniste joue avec ses doigts, ses mains, ses bras, son corps, et son cerveau. Les défis sont nombreux : les deux mains doivent être coordonnées mais indépendante. Tout en restant autonomes, les systèmes moteur et auditif, ainsi que celui des émotions interagissent, la mémoire est sans cesse sollicitée.

Du coup, les neuroscientifiques montrent que la musique agit sur le cerveau et sur sa morphologie, en augmentant les zones du cortex dédiées aux mains de l’instrumentiste. Quand un groupe de neurones est très sollicité, des neurones adjacents sont appelés en « renfort ». De nouveaux neurones peuvent même apparaître par un mécanisme de neurogenèse, de sorte que la zone impliquée dans la tâche augmente. Diverses études ont mis en évidence que le volume des fibres qui connectent les deux hémisphères chez les musiciens est supérieur à celui observé chez les non musiciens au niveau d’une structure nommée le corps calleux qui sert aux deux hémisphères à communiquer. Ainsi, le transit de l’information entre les deux cortex moteurs est plus rapide, ce qui est indispensable pour bien coordonner les mouvements des deux mains.

 

Les nouveau-nés sont-ils sensibles à la musique ?

À la naissance, les bébés sont déjà familiarisés avec la mélodie de la voix de leur mère. Ainsi, la capacité à apprécier la musique serait câblée dans leur cerveau. Diverses études ont montré que les nouveau-nés sont très attentifs aux mélodies et semblent même les préférer aux paroles. La vitesse d’émergence d’un mot est multipliée par trois si l’information est chantée plutôt que parlée: D’où l’intérêt des comptines destinées aux jeunes enfants. Ce sens inné de la musique serait lié à la façon dont s’expriment les parents avec leur tout-petit : c’est le parler bébé, caractérisé par des tonalités hautes, une large gamme de tonalités, et des phrases courtes. Ces exagérations mélodiques aident les bébés qui ne peuvent pas encore comprendre la signification des mots, à saisir les intentions. Pour exprimer l’approbation ou les louanges, ils produisent un contour tonal montant et descendant rapidement, comme dans «Bavo-o-o-o !» Lorsqu’ils expriment la désapprobation, comme dans « Non», elles parlent d’une voix grave et saccadée. Ce parler bébé est observé dans toutes les cultures, ce qui fait penser qu’il pourrait s’agir du point de départ de la musique et du langage.

Le bébé naît musical et sa vie entière est ensuite nourrie de sonorités qui impriment sa mémoire des émotions associées aux expériences qui jalonnent son existence. Le vieillard meurt musical car ces sonorités ont le pouvoir de synthétiser en quelques secondes l’ensemble des expériences qu’il a vécues. Il n’est donc pas surprenant que la musique soit omniprésente dans notre société et il en va ainsi de toutes les cultures du monde. Ces observations qui relient le bébé au vieillard suffisent à souligner l’immense pouvoir de la musique. S’il est vrai que le principal effet de la musique est de renforcer les liens entre les hommes et de fixer la cohérence du groupe, elle répond au besoin biologique d’appartenance. Les découvertes récentes des neurosciences devraient conduire notre société et nos institutions éducatives à repenser en profondeur la place et la fonction de la musique afin d’en tirer les bienfaits.

 

* Thomas Chkaiban, Sarah Térésa Dib, Ariane Haddad et Émilie Skaff.

 

Andrée HADDAD

 


Les plus lus