À la recherche du port antique de Byblos

Maria PASCALIDES | 01/09/2014

Patrimoine

Le sonar latéral permet de visualiser les fonds marins. Photo Martine Francis Allouche

Patrimoine

Un commerce maritime s'est développé entre Byblos et l'Égypte durant l'Antiquité. Mais le port de Byblos reste enfoui à ce jour. Martine Francis-Allouche qui co-dirige le projet Byblos et la mer, mène l'enquête. Explications.


Des archives égyptiennes antiques témoignent d'un commerce maritime actif entre Byblos et l'Égypte au cours des 3e, 2e et 1er millénaires avant Jésus-Christ. Les sources écrites et les fouilles archéologiques en Égypte montrent que Byblos avait une flotte commerciale importante et que les Égyptiens se rendaient dans cette ville pour acheter le bois des conifères (cèdres, pins...) qui poussaient dans l'arrière-pays. Ils les échangeaient contre des céréales, de l'or, de l'argent, du lin, des étoffes... Un manuscrit du 1er millénaire raconte qu'Ounamon, dignitaire égyptien, était venu à Byblos acheter des grumes pour la construction de la barque du dieu Amon. Le maire de la ville, Tjekerbaal, est décrit «assis dans son bureau, les vagues de la mer roulant derrière lui», tandis qu'Ounamon est «sous une tente installée sur le rivage». Mais où se trouvait ce port capable de recevoir des embarcations de près de 30 mètres? Comment se présentaient les abords maritimes de Jbeil à cette époque?

Byblos et la mer
«Quatre missions ont été menées à bien, dans le cadre du projet Byblos et la mer, pour vérifier par des recherches sur le terrain ce qui a été mentionné dans les sources antiques. Les études sont toujours en cours, mais le terrain a livré d'ores et déjà quelques indices apportant un éclairage nouveau sur la réalité du paysage portuaire de Byblos», explique Martine.
Les trois premières missions terrestres avaient pour objectif de comprendre l'aspect antique de la côte de Byblos. Les configurations naturelles du paysage côtier ont été étudiées pour tenter d'y localiser une possible installation antique. Serait-elle enfouie à l'intérieur des terres, par ensablement (remblai de rivières et de mer, remontée du niveau de la mer, rehaussement du littoral à cause des tremblements de terre, froissement de la côte dû aux mouvements des plaques tectoniques...)?
C'est par prospection géophysique et par sondage par carottage, au sud du site archéologique de la cité, qu'ont été «visualisées» et datées les couches enfouies, c'est-à-dire la configuration de bassins colmatés, les divers paléorivages à l'intérieur des côtes et donc les niveaux que la mer a pu atteindre durant l'antiquité, de même que la roche native, recouverte par l'ensablement à plusieurs mètres de profondeur, possiblement aménagée par l'homme.
«Il est fort probable qu'à Byblos, comme dans la majeure partie des établissements portuaires phéniciens trouvés en Méditerranée, l'activité commerciale maritime ait été menée à partir d'un simple bassin portuaire naturel, non construit, mais simplement protégé des vents prédominants du sud-ouest et au tirant d'eau convenable à l'amarrage de navires de gros tonnage. Nous espérons éclairer la question. 80 kg d'échantillons sédimentaires prélevés des sondages par carottage sont en cours d'analyse en laboratoire.»

Les recherches sous-marines
Les résultats encourageants des 3 premières missions ont poussé la recherche vers la mer. La quatrième mission, menée en juin 2014, avait pour objectif d'étudier les abords maritimes de la cité antique. Des relevés bathymétriques ont couvert une aire qui s'étend, sur la côte, du port médiéval de Byblos à la région du Nahr el-Fidar, atteignant les 2,5 km vers le large. Ces fonds sous-marins ont été cartographiés à partir d'un navire, par un équipement très performant tel que le sonar latéral qui visualise les fonds sur une largeur importante, pour obtenir une vue planimétrique complète des fonds sous-marins. Il permet d'obtenir des informations sur la nature et le relief des fonds (rocheux, sablonneux, récifs, canyons...) et de détecter des anomalies (épaves ou autres). Le subbottom profiler, lui, lit les couches enfouies jusqu'à une profondeur de 40 à 50 mètres sous le niveau du sol marin. Il permet de détecter la nature et l'épaisseur des couches enfouies, recouvrant des objets (épaves, ancres, amphores...) ou des constructions portuaires ensevelies (môle, chenal...).
«Les données acquises sont en cours d'analyse par nos spécialistes en géologie marine, poursuit Martine. D'après les résultats que nous obtiendrons, nous pourrons restreindre le champ de recherche et vérifier les zones d'intérêt par prospection sous-marine (plongée), à savoir les anomalies géologiques ainsi que les structures et/ou les artéfacts archéologiques détectés. Ce sont les objectifs de nos prochaines missions qui reprennent à partir du printemps 2015».
«Le projet Byblos et la mer permettra, nous l'espérons, de redessiner la côte antique de Byblos et de comprendre le système portuaire qui a favorisé son expansion à l'âge du Bronze et l'âge du Fer.»

À savoir
« Byblos et la mer », projet de recherche côtière et sous-marine, est une reprise d'un dossier, commencé en 1998 par Honor Frost, pionnière de l'archéologie sous-marine au Liban et à l'est de la Méditerranée. Durant 9 ans, Honor a exploré le littoral giblite à la recherche de son ancien port et d'éventuels points d'ancrage.
Aujourd'hui, Martine Francis-Allouche (archéologue terrestre et subaquatique) et le professeur Nicolas Grimal (égyptologue) poursuivent les recherches à Byblos. Les diverses campagnes de ce projet ont été financées par la Fondation Talal el-Makdessi, par la banque IBL, et, actuellement, par la Honor Frost Foundation

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