Sacrés Dieux

Patricia ANTAKI-MASSON | 21/11/2014

Patrimoine

Liban

Une pléthore de dieux de l'Antiquité vous invite à aller les admirer au sein des musées et des temples libanais érigés à leur gloire.

Les cultes païens qui ont prévalu dans l'Antiquité, sont riches en dieux de toutes sortes. Qu'elles soient égyptiennes, phéniciennes, grecques ou romaines, ces divinités proche-orientales étaient adorées dans une multitude de temples, évoquées dans de nombreuses dédicaces et représentées à travers un large et riche éventail de formes : statues et statuettes, bas-reliefs, peintures, mosaïques, monnaies...

La vache, une déesse égyptienne
Hathor est la déesse de l'amour, la beauté, la maternité, la musique et la joie. C'est dire à quel point elle était vénérée, en particulier par les femmes. Elle est la parèdre (épouse) d'un des dieux principaux du panthéon égyptien, Horus, le dieu faucon. C'est sous les traits d'une vache qu'elle était représentée ou sous ceux d'une femme portant le disque solaire entre deux cornes. La ville de Kamid el-Loz dans la Békaa, qui a connu son apogée à l'époque cananéenne, était fortement influencée par l'art égyptien. Voilà pourquoi il n'est pas surprenant de trouver, parmi les belles pièces qui y ont été exhumées, cet ivoire aux yeux d'argent représentant la déesse Hathor.

Des animaux sauvages promus dieux
Les Égyptiens vouaient un culte particulier à la lionne Sekhmet, la déesse guerrière et agressive qui terrassait les ennemis du roi. Mais Sekhmet pouvait également être paisible. Elle était alors considérée comme patronne des médecins vétérinaires. Une autre déesse qui avait la faveur des Égyptiens était représentée sous les traits d'un hippopotame : il s'agit de la déesse Taouret, protectrice des accouchements. Par son « look », elle était censée effrayer les mauvais esprits afin qu'ils restent éloignés de l'enfant à naître. C'est ainsi que, pour protéger le bébé du mauvais sort, les femmes enceintes avaient l'habitude de porter des amulettes la représentant.

Un trône pour Astarté
Parèdre du tout puissant dieu cananéen Baal, Astarté, ou « Ashtarout » pour les Phéniciens, déesse de l'amour et de la fécondité, est parfois symbolisée par un trône en pierre vide ou occupé par des pierres dressées, avec, en guise d'accoudoirs, deux sphinx ailés. On peut en voir plusieurs exemplaires au Musée National, pour la plupart de la période hellénistique, et un encore en place au temple d'Echmoun à Saïda, dans une piscine où les croyants, en s'y baignant, venaient se soigner et recevoir la grâce des dieux.

Jupiter tout puissant
Par Jupiter ! Qui ne connaît pas le dieu des dieux, celui qui gouverne la terre et le ciel ? Faut-il rappeler le majestueux temple qui lui est dédié dans la ville du soleil, Héliopolis, alias Baalbek ? On connaît moins son temple, aujourd'hui disparu, à Beyrouth, ou d'autres disséminés dans la montagne libanaise. Il était le plus couramment représenté sous les traits d'un jeune dieu, debout, coiffé d'un calathos, une corbeille évasée, le corps enserré dans une gaine ornée d'éléments de cuirasse et de divers emblèmes, brandissant dans une main un foudre, et dans l'autre des épis de blé, deux de ses attributs qui expriment son rôle de maître des pluies et des récoltes. Les fidèles le considéraient comme optimus, très bon, maximus, très grand, conservator, sauveur, dux, guide, et rex deorum, roi des dieux, ainsi que l'on peut lire sur les dédicaces qui lui étaient pieusement adressées. Des ex-votos ou offrandes lui étaient offerts en remerciement d'une grâce obtenue. On peut lire sur celui provenant sans doute de la région du temple de Sfiré : « Au grand Zeus de Bakathsafrein. Victoria, fille d'Abdous, de Naboukanath, en ex-voto, avec toute sa maison, en témoignage de reconnaissance ».

Du vin à flot en compagnie de Dionysos
Né littéralement de la cuisse de Jupiter (d'où l'expression), Dieu du vin et de l'ivresse, Dionysos, ou Bacchus pour les Romains, était un des dieux majeurs du panthéon classique. C'est à sa gloire que les héliopolitains ont érigé à Baalbek un magnifique temple, qui demeure presque entièrement conservé. On célébrait en son honneur des fêtes particulières, les bacchanales, représentées sur des bas-reliefs, qui donnaient lieu, le vin aidant, à toutes sortes d'excès. Dionysos est aussi père de la comédie et de la tragédie. Au centre du théâtre de Byblos, on peut voir l'emplacement de la mosaïque qui représentait son buste. La mosaïque, elle, s'admire au Musée National.

Au top du podium, la belle Vénus
Vénus (Aphrodite chez les Grecs) a tout pour plaire : beauté, amour et séduction. Le temple circulaire d'Héliopolis lui était consacré. Elle était également tenue en vénération dans un sanctuaire élevé dans le cadre enchanteur des sources de la vallée de Nahr Ibrahim, à Afqa. En effet, la légende veut que ce soit là que son amoureux, le bel Adonis, soit blessé à mort par un sanglier. Sur cette statuette en bronze découverte dans les couches romaines à Baalbeck, elle est parée d'un collier et de boucles d'oreilles en or et pierres semi-précieuses.

En route pour l'au-delà avec Hermès
L'Hermès grec, assimilé à Mercure chez les Romains, est le dieu du commerce, des voyages et le messager des dieux. Son culte est attesté à Baalbek par exemple où il est vénéré aux côtés de Jupiter et de Vénus. De son temple, sur une colline de la ville, il ne reste malheureusement plus que de maigres vestiges. Au Liban Nord, au sommet du village de Hardine, on peut encore visiter les vestiges imposants du sanctuaire qui lui était dédié. Au Musée National, sur les fresques de l'hypogée de Tyr, on le voit conduisant le quadrige, équipage formé de quatre chevaux, qui emporte la déesse Perséphone au royaume des morts. Agrafée à son épaule, sa chlamyde, ou cape, flotte au vent. Il tient à la main l'un de ses attributs, le caducée. Un autre attribut, ses sandales ailées, sont ici représentées par de simples ailes attachées à ses pieds.

Un Seigneur de la danse à Beit-Méry ?
Au sein du complexe de Deir el-Qalaa à Beit-Méry, un dieu phénicien local particulier était adoré à l'époque romaine, Baal Marqod. Il est traditionnellement associé à la danse et serait donc un dieu de la tempête : en effet, l'épithète Marqod provient de la racine sémitique « rqd » qui signifie « danser, sauter ». C'était aussi un dieu guérisseur et un dieu de la fertilité comme il apparaît sur les nombreuses inscriptions trouvées sur le site. Il était considéré comme le patron de la région : une inscription l'invoque en ces termes : « Ô seigneur, maître de tes villages et de ta contrée ». Son culte dépassa même nos frontières et fut introduit à Rome par des soldats.

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