Dans le caza de Nabatiyé, au sommet du village d'Arnoun, se dresse majestueusement le château de Beaufort ou Qalaat el-Chqif. Du haut de ses 700m d'altitude, la vue qui s'offre sur les alentours est à couper le souffle, en particulier du côté est où un précipice vertigineux de 300 mètres domine le fleuve du Litani. Bâtie au Moyen-Âge en ce lieu hautement stratégique pour défendre l'accès vers Saïda à partir de Damas, cette sentinelle de pierre, faisait partie intégrante d'un vaste réseau défensif. Une magnifique citadelle médiévale et ottomane qui vaut bien le détour.
Une histoire mouvementée
Cédé par les Arabes aux Croisés en 1139, le château fut conquis en 1190 par le sultan ayyoubide Saladin. En 1240, le gouverneur de Damas décide de s'allier aux Croisés et le leur rétrocède. Mais il revient dans le giron musulman sous le règne du sultan mamelouk Baybars, en 1268. Occupé par les Mamelouks qui y établirent un de leurs sièges sous le nom de Dar el-Niyaba, il devint à la fin du XVIe siècle, sous Fakhreddine, un bastion de la résistance contre les Ottomans. Habité par des familles féodales, le château fut ensuite, au XIXe siècle, progressivement délaissé. Plus près de nous, ce sont les Palestiniens qui l'ont investi, bientôt remplacés par des troupes israéliennes, elles-mêmes délogées en 2000.
La ruse de Renaud de Sagette
Lorsqu'en 1189 Saladin décide d'assièger le château, le seigneur de la place, qui est alors Renaud de Sagette (le nom franc de Saïda), décide, plutôt que de combattre, d'user de ruse avec l'ennemi. Voyant le sultan disposer ses troupes au pied du château, Sire Renaud sollicite un entretien avec Saladin qui ne tarde pas à être conquis par les connaissances de son invité. Renaud en profite alors pour demander un sursis d'un an et renforce pendant ce temps secrètement les défenses de la place. La trêve étant arrivée à son terme, le seigneur franc essaie encore de gagner du temps mais Saladin, découvrant la supercherie, attaque le château et fait de Renaud son prisonnier.
Une bataille mémorable
Parmi les batailles qui ont fait vibrer les murs du château, figure celle livrée par Baybars en 1268, relatée par l'historien égyptien, Ibn al-Furat. Avec l'aide de 26 machines de siège capables de projeter de lourds boulets et de causer de sérieux dégâts, les forces mameloukes commencèrent par déloger les Templiers de la ville et du château-neuf établis sur le plateau au sud de la forterese. Deux semaines plus tard, le 26 avril, face à un bombardement ininterrompu, le commandeur Guillaume capitulait.
Défenses multiples
Les constructeurs successifs ont mis en œuvre un grand nombre de dispositifs pour repousser l'ennemi. Des fossés ont été creusés sur les flancs les plus sensibles de la forteresse, à l'ouest et au sud. Une solide enceinte, édifiée avec de gros blocs de pierre taillée et protégée au bas de ses murs par un talus, ceinture toute la place. Elle est en outre ponctuée de tours défensives saillantes, rondes, rectangulaires ou polygonales dont une tour maîtresse principale ou donjon. Les entrées étaient à l'origine superbement défendues par un pont-levis, par des vantaux et des herses ou grilles métalliques, par des barres horizontales et parfois par des bretèches les surmontant. Enfin, les tours sont toutes munies de niches à archères, percées à tous les étages, permettant de tirer des flèches et des carreaux (d'arbalète) tout en étant à l'abri.
Les Templiers à l'honneur
L'épisode templier à Beaufort n'a guère duré plus de 8 ans, de 1260 lorsque le seigneur Julien de Sagette, criblé de dettes, est contraint de leur vendre le château jusqu'en 1268 où ils se font expulser par Baybars. Le passage de ces célèbres moines-chevaliers entre les murs de la forteresse y a toutefois laissé de belles traces: une salle de style gothique édifiée dans la haute cour, couverte à l'origine de voûtes d'ogives, à laquelle on accédait à travers un beau portail à archivolte, les vestiges des fours de la cuisine et une grande pièce qui lui est accolée qui servait sans doute de réfectoire.
Sous la loupe des spécialistes : les derniers travaux et études
Dès le XIXe siècle, voyageurs et chercheurs ont été intéressés par les vestiges de ce beau monument. Mais ce n'est qu'en 2000 que l'État a désiré aménager et mettre en valeur le site pour l'accueil des visiteurs. Il a donc fallu restaurer certaines structures, en restituer d'autres et créer toute une infrastructure dont un parcours didactique ponctué de panneaux explicatifs et s'achevant par une salle d'exposition. Parallèlement, des experts se sont penchés sur le monument, l'analysant sous toutes ses coutures: archéologues, médiévistes, architectes, historiens de l'art, céramologues, tailleurs de pierre et numismates.
Une visite ludique
Bientôt disponible sur place, un parcours-jeu destiné aux enfants et aux jeunes, à réaliser seul, en groupe ou en famille, permettra de partir à l'exploration du château tout en se divertissant en compagnie de deux personnages fictifs, nuls autres que le seigneur des lieux, Sire Arnoun et sa dame.