Recyclons nos déchets au lieu de les brûler

Maria PASCALIDES | 26/03/2015

Environment

Liban

L'industrie du recyclage est en plein essor au Liban. Pourquoi ne pas alors trier nos déchets pour les recycler au lieu qu'ils ne soient brûlés dans les incinérateurs ?

Le Liban produit 1500 millions de tonnes de déchets par an. Seuls 8 % sont recyclés et le reste est enterré dans trois dépotoirs contrôlés et 735 décharges sauvages, réparties sur tout le territoire, au bord des routes, sur le littoral, dans les vallées. Pourquoi le volume des déchets recyclés est-il si faible au Liban?

Une collecte inefficace

Pour Ziad Abi Chaker, ingénieur environnemental, une des raisons est la stratégie de la collecte des déchets qui est inefficace car centralisée. «Si chaque caza prend en charge la collecte de ses déchets cela réduirait leur volume et faciliterait la collecte des matériaux à recycler. Par exemple, Sukleen ramasse chaque jour 2200 tonnes de déchets à Beyrouth et au Mont-Liban. Trier plastique, verre et papier dans cette masse d'ordures est un travail titanesque.»

«L'infrastructure de la collecte des déchets est tout aussi inefficace, poursuit-il. La benne tasseuse collecte les déchets solides, les compresse et réduit leur taille afin qu'ils occupent moins de place dans la benne et dans les dépotoirs. Malheureusement, elle broie le plastique, le métal, le verre, ce qui rend le tri quasi impossible.»

De plus, l'infrastructure disponible pour une collecte séparée de déchets triés au préalable dans les maisons est encore embryonnaire et les ménages ont bien du mal à changer leurs habitudes: ils jettent tous les déchets dans un seul sac.

Trier pour réduire

De nombreuses initiatives ont été lancées par la société civile, par plusieurs municipalités et dans quelques villages pour encourager la population à trier les déchets à la maison. Une nouvelle campagne de tri «Sar Lazem Rassak Yefroz» a été lancée depuis quelques mois  par l'association Eco Environmental. Elle préconise de séparer les ordures en deux sacs de couleurs différentes : le noir, pour les matières organiques et le bleu pour le verre, le plastique, le métal. Ceci réduit automatiquement les déchets de moitié car les matières organiques représentent à elles seules 53% des déchets domestiques. Pour réduire l'humidité dans les sacs et les odeurs, Ziad Abi Chaker recommande de placer le papier et les mouchoirs avec les matières organiques. Ziad est sûr que suite à cette campagne lancée sur les réseaux sociaux et aux réactions positives des internautes, la proportion de matériaux recyclés passera très vite de 8% à 16%.

Pour voir le clip de la campagne «Sar Lazem Rassak Yefroz»:

 

Paul AbiRached, président de Terre-Liban, souligne avec beaucoup d'optimisme que les gens sont de plus en plus conscients de la nécessité du tri des déchets et sont disposés à changer leurs habitudes. «L'opération Papivore Malin (pour le papier) lancée par l'association dans les écoles en 1995 puis la campagne NISR pour le tri des déchets dans trois poubelles (rouge, vert et blanc) donnent leurs fruits. Des chefs d'entreprise font appel à nous pour le tri et le recyclage, raconte Paul, car ils ont appris à trier leurs déchets dès leur jeune âge.»

«D'ailleurs, ajoute Paul, les chiffres sont éloquents. En 2013, Terre-Liban a collecté 650 tonnes de papier alors qu'en 2008, nous n'avions ramassé que 50 tonnes.»

Le recyclage, une occupation lucrative

Le papier, le plastique, le verre, les matières organiques (reste des aliments) et nouvellement les pneus et les sacs en plastique sont recyclés au Liban. Près de deux cents usines recyclent les déchets et de nombreuses familles vivent de ce travail. Le recyclage évite de puiser dans les ressources naturelles en utilisant les déchets comme matières premières pour fabriquer de nouveaux produits. C'est un moyen efficace d'économiser de l'énergie et de préserver l'environnement.

Papier recyclé

Cinq grandes usines recyclent le papier pour en faire du carton, du papier d'emballage, des calepins, des cahiers... Elles préservent ainsi les arbres de la planète car pour chaque tonne de papier recyclé 17 arbres sont préservés et l'air que l'on respire aussi. Solicar recycle 150000 tonnes par an de papier, Sicomo recycle 32000 tonnes et Mimosa 25000 tonnes.

Verre recyclé

L'opération Green Glass Recycling Initiative lancée par Eco Environmental depuis quelques années récolte dans les municipalités le verre coloré, le broie et l'envoie au souffleur de verre de Sarafand qui en fait de magnifiques coupes, perpétuant ainsi une tradition millénaire au Liban.

Soliver est une grande usine qui recycle le verre blanc, environ 7300 tonnes par an. Mais il y aussi de plus petites au sud et au nord du Liban.

Durant la guerre de 2006, l'usine Maliban qui recyclait à la Békaa du verre coloré a été endommagée. Elle fournissait 70 millions de bouteilles de verre par an aux producteurs de bière et de vin. Aujourd'hui, la même quantité de bouteilles est importée.

Plastique recyclé

Vingt usines recyclent le plastique. Certaines le transforment en boîtes ou en cageots et d'autres le transforment en granules de plastique qu'elles exportent vers la Chine principalement. Ainsi, la société Lefico recycle 6000 tonnes de plastique. Quant à la LebaneseRecycling Works, elle exporte 8000 tonnes de granules par an.

Pneus recyclés

Depuis quelques années, 5 sociétés recyclent les pneus en caoutchouc et les transforment en tapis qui couvrent les sols des aires de jeux ou les murs.

Les métaux

Ils ne sont pas recyclés au Liban mais ils sont achetés aux ramasseurs de métaux par des sociétés qui les exportent.

Sacs en plastique recyclés

À partir des sacs en plastique, Eco Environment fabrique des panneaux «Eco Board» qui remplacent les panneaux en verre ou en bois et qui durent 500 ans.

Le compostage

À partir de matières organiques récoltées dans les municipalités, Eco Environmental fabrique le compost dans 11 usines. «À partir de 100 kg de matières organiques, nous produisons 45 kg de compost de qualité que l'on revend», explique ZiadAbiChaker. Le compost enrichit le sol.

«L'opération MisterTanak cible principalement les jeunes, explique ShadySadek, membre actif à Terre-Liban. Elle a un double objectif: les sensibiliser au tri et collecter les cannettes.» Vingt compacteurs, importés de France, ont déjà été distribués dans 4 universités à Beyrouth et Byblos. La sensibilisation se poursuit aussi dans les restaurants, les pubs et les stations balnéaires. «L'aluminium, souligne Shady, a l'avantage de pouvoir être recyclé à l'infini contrairement au papier qui ne peut l'être que 6 à 7 fois, car ses fibres se fragilisent. Notre plan pour l'avenir est de construire une usine de recyclage d'aluminium. Pour cela il faut un minimum de 10 tonnes par jour. Nous sommes encore bien loin de ces quantités. En 2010, 4500 tonnes de cannettes ont été collectées.»

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