Et bien, dansez maintenant

Adélaïde DUCHET | 24/04/2015

Actu Ados

Dossier

Si la danse est l'art de mouvoir son corps en rythme, chacune a pourtant son identité propre. À l'occasion de la Journée mondiale de la danse, patchwork coloré des tendances.

Enseignées en écoles, les danses suivent souvent des mouvements précis ; la danse du 21e siècle s'est pourtant dans sa globalité libérée de tout préjugé, se mettant à la portée du grand public : elle est avant tout l'expression de soi par le corps... Tout est donc vu d'un bon œil par les jeunes, pourvu que le rythme y soit, et les décibels avec.

Génération «goûte-à-tout»
Ils sont tous les cinq en 2nde mais ont choisi des options différentes en matière de danse. Question d'envies de l'instant, mais aussi de tempérament. Carly et Florence, douces de caractère, poursuivent le ballet classique qui requiert de la rigueur. « Ça m'apporte souplesse et confiance en moi, confirme tout naturellement Florence.
Hanai aussi aime tout autant le mouvement que la musique. Mais c'est un style plus dynamique et contemporain qui la comble : « En dansant le hip-hop, j'oublie tout. »
Pour Antoine, la danse est un art, une façon d'enrichir sa vie : c'était une motivation de s'inscrire en salsa. Mais pas seulement: « Je n'avais pas l'intention, en soirée, de me retrouver comme un idiot à ne pas savoir danser. Et autant le faire dans la convivialité: la danse, pour moi, ça se partage, sinon c'est davantage du sport. Avec une cavalière, c'est carrément plus agréable. »
Yasmina, féminine et au tempérament bien trempé, a jeté son dévolu sur les danses latino et orientales.

Autres sensibilités
Arménienne, Kalin (11 ans) est passionnée de danses folkloriques : de son pays ou espagnoles, quoiqu'elle préfère celles d'Ukraine, tandis que Pia (12 ans) a un faible pour la danse indienne dont elle apprend les mouvements toute seule avec un costume local.
« Mélange de pas classiques et de sport en musique, la danse jazz est plus rapide que le ballet », nous expliquent Joïa et Nour, 11 ans, élèves chez Moves, à Jbeil. « Tant mieux, parce qu'on a besoin de se défouler, » ajoute Maria.
« La zumba est un mix d'aérobic, de danses jazz et latino et de hip-hop sur fond de musique très rapide, » expliquent Larin (10 ans) et sa sœur Malika qui ont la chance d'avoir un professeur à domicile.

Sur le chemin de la guérison
Quel que soit l'âge ou la forme, Naïma, danseuse professionnelle et diplômée en psychologie, recommande la danse à tous : «Outil pour travailler coordination et oreille musicale, elle aide à la socialisation et peut être un fabuleux instrument de guérison intérieure et parfois même un chemin vers la réalisation spirituelle de soi. »
« Pour les ados, souvent anxieux, la danse peut être un vrai soutien : c'est une activité physique saine qui, agrémentée de musique, permet de relâcher les tensions provoquées par leurs hormones, mais aussi de s'exprimer.»

La danse professionnelle, une disposition
« Tu as envie d'être pro ? N'arrête jamais de danser, quel que soit le style, conseille Naïma. Il faut construire ta personnalité et ton expression de danseur. La danse a besoin de temps pour être assimilée : elle ferait vieillir ton corps précocement si elle devait être stressante ou agressive. Choisis ton style, sois ouvert aux autres techniques et aie confiance en ce que tu fais. Tu peux comparer les techniques, mais pas mesurer les limites ni les passions de quelqu'un. Sois fort face aux préjugés auxquels les danseurs ont à faire face. Passe au-dessus de ton ego et des tabous sociaux. Écoute tes intuitions. »

Mario, petit prodige
« C'est avec le film Step up que j'ai appris à aimer la danse, raconte Mario, 12 ans. J'aimais bouger, je dansais seul, partout dans la maison et mon frère, musicien, était mon spectateur. Aujourd'hui, je prends 4 cours de hip-hop et street dance par semaine à Fly on stage (Jbeil), et j'ai commencé la salsa. Mais je n'oublie pas mes devoirs : je suis bon élève. Plus tard, je rêve d'être chorégraphe. »

Naïma, généreuse étoile

De mère libanaise et de père brésilien, Naïma danse depuis l'âge de 5 ans et si sa première passion était le ballet, elle apprend au fur et à mesure des années une foultitude de danses, dont l'afro-contemporaine et la Capoeira, un mélange de danse et d'art martial.
«J'ai toujours projeté de danser. Mais choisir d'en faire ma profession n'a pas été simple: une décision que j'ai prise loin des influences familiales. »
Aujourd'hui, Naïma partage son temps entre spectacles et cours auprès d'enfants handicapés, avec tout autant de charisme et de passion.

Retour aux sources
« L'orientale est devenue ma danse favorite il y a 19 ans, quand je l'ai essayée : entre danse et musique arabes, je me suis trouvée. C'est à ce moment que j'ai choisi d'en faire ma profession. » « La danse orientale est très ancienne, puisée dans les origines du monde féminin et dans ses archétypes, précise Naïma. Quoiqu'elle soit parfois mal vue, c'est une danse aux mouvements puissants et libérateurs. »

Danse et sport, la différence
« Les ados ont du mal à faire la différence entre sport et danse peut-être parce qu'ils tâtonnent, avec l'envie de tout essayer, suppose Naïma. Par ailleurs, à cause de toute la technologie à laquelle ils ont accès, ils passent beaucoup de temps dans des mondes virtuels, touchant à de nombreux registres de la danse, mais sans toujours l'expérimenter activement. »
« Le sport, poursuit Naïma, a un but, des techniques et des bienfaits différents de ceux de la danse quoique les deux requièrent beaucoup de travail. Le sport vise des scores tandis que la danse requiert plus de subjectivité et une perception spirituelle : le danseur ne peut prétendre au succès que lorsqu'il a su révéler ses sentiments.»

Danse et handicap, bouquet d'émotions
« Cela fait trois ans et demi que j'enseigne au Centre al-Majal, à Beyrouth. J'ai 18 élèves (enfants, ados et adultes), tous différents et uniques. J'ai beaucoup appris d'eux, chacun ayant une sensibilité et des besoins propres : en plus de leur enseigner les mouvements, j'ai dû organiser des activités pour les connecter entre eux. Ce sont les êtres qui savent le mieux savourer la vérité. Ils sont toujours partants pour ce que je propose, malgré leur handicap (paralysie, autisme, trisomie...), remercient et offrent en permanence des «je t'aime», ce qui m'enseigne la gratitude. Ils essaient sans cesse de repousser leurs limites, se motivant souvent entre eux. Comme tout le monde, ils partagent de fortes émotions (compassion, amour ou peine) mais toujours de manière transparente et vraie. La danse est pour eux une délivrance et leur permet souvent d'améliorer leurs capacités physiques et mentales. J'aimerais que la danse soit acceptée au Liban comme une réelle profession, et non plus méprisée comme elle l'est encore aujourd'hui. Je rêverais de voir les femmes arabes capables de danser leur propre danse, fières, sans peur ni dilemmes. »

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