Transformer les déchets en énergie

Médéa Toubia | 23/10/2015

Environment

Liban

Si la majorité du Liban croule sous les ordures, Saïda et ses environs sont propres et se placent à l'avant-garde du traitement des déchets. Visite guidée au cœur d'une usine qui sait valoriser ses ordures.

Tristement célèbre pour sa montagne d'ordures pendant de longues années, Saïda peut s'enorgueillir aujourd'hui d'être à la pointe de la technologie, concernant la transformation des déchets ménagers.
Née d'une initiative privée, soutenue par des fonds libanais et saoudiens et des technologies européennes, liée par contrat avec la fédération des municipalités de Saïda et du Zahrani (16 villages), IBC SAL, l'usine de traitement d'ordures, a relevé le défi d'assainir la ville, ses alentours et le camp palestinien de Aïn el-Heloué, en traitant les déchets de plus de 300000 individus.

Traitement et innovation
Située à 200 m au sud de l'ancien dépotoir de Saïda, sur un terrain de 40000 m², l'usine ouvre ses portes en novembre 2012. En mai 2013, l'immonde Jabal al-Nifayat ou la montagne aux millions de tonnes d'ordures qui existait depuis 1982, ferme son accès et disparaît à jamais. Aujourd'hui, la municipalité de Saïda y a érigé un jardin public de 30000 m2.
Créée pour recevoir 500 tonnes de déchets par jour, l'usine fonctionne actuellement à 240tonnes, acheminées par une société locale de ramassage d'ordures, NTCC. L'usine travaille 365 jours par an et emploie 200 salariés. Le coût du traitement est de 95 $ par tonne de déchets. Chaque convoi d'ordures qui arrive est pesé et son trajet, noté. Les provenances sont résidentielles, commerciales, abattoirs, etc. Le but visé par l'entreprise est de transformer les ordures en un maximum de produits recyclables destinés à la vente et d'utiliser les déchets organiques pour générer du gaz et de l'électricité. «C'est la stratégie Waste to Energy», explique M. Nabil Zantout, PDG de IBC, fier d'annoncer qu'IBC SAL «est la première usine au Liban à avoir réussi à produire du biogaz méthane à partir des déchets.»

Sans tri, pas de recyclage
Dans un premier temps, les déchets (100%) arrivent au centre de tri. Convoyés sur un tapis roulant, ils sont criblés mécaniquement et manuellement afin de séparer les matières organiques (résidus alimentaires crus, cuits, périmés, fleurs, plantes, papiers souillés..) des autres matières (métaux, verres, plastiques, cartons). «De la rigueur du tri dépend la qualité du produit recyclé», affirme M. Zantout, qui envisage d'installer une machine de tri optique très prochainement pour la séparation des différents types de plastique.

Le tri optique optimise le recyclage. Les éléments
sont analysés par un faisceau lumineux qui repère et éjecte les matières non conformes.
La matière conforme est digérée et stockée

«Les matières organiques (64%) présentent la plus grande proportion dans nos déchets en raison de la composition de la cuisine libanaise et du mode de vie très convivial des Libanais. Le reste (36%) se divise en matières solides: cartons, métaux, verres (8%), plastiques recyclables (12%), matières inertes (13% tissus, couches, pièces de plomberie), rejets (3% objets de grande dimension). Les matières organiques servent à la fabrication des fertilisants, du compost et des énergies. Les matières solides sont recyclées et destinées aux industries. Elles représentent une source importante pour réduire les coûts opérationnels et augmenter la productivité».

Le méthane à Saïda, une première
Mais c'est incontestablement la production du méthane qui fait la gloire de l'usine IBC SAL, la première au Liban à avoir réussi cette opération délicate. Obtenu par fermentation des matières organiques, le méthane extrait est utilisé pour alimenter les cuves et les turbines qui tournent à plein rendement pour produire de l'énergie électrique (2000KWh) et thermique (2000KWh). «Nous réutilisons 90% de cette électricité pour l'usine. Les 10% restant servent à éclairer les rues de Saïda et le nouveau jardin public. Quant à la chaleur, elle est totalement réabsorbée pour le fonctionnement des machines. Cela nous permet d'économiser l'achat de fuel.» explique M. Zantout.
Une usine de recyclage de déchets à Baalbeck a prévu de suivre l'exemple de Saïda pour produire du méthane. «Les bénéfices du recyclage sont énormes: il génère des gains, réduit les dépenses, économise l'énergie, évite la pollution, empêche la dégradation de la nature. Trier ses déchets à la source et les transformer, c'est la démarche de l'avenir».

 

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