L'Empire romain disposait, à son apogée, de près de 100000 km de réseau routier. Un élément vital pour le développement des villes. Des tronçons de ces routes et certains monuments qui en dépendaient peuvent encore être visités, notamment à Byblos, Beyrouth, Tyr et leurs environs.
Le réseau routier
La colonnade de Jbeil qui marque l'entrée de la ville. Photo Karim Paul Habet
Les routes font partie des aménagements qui changent le moins au fil du temps car elles dépendent principalement du relief. C'est pourquoi les voies romaines sont établies sur d'anciens chemins empruntés depuis la plus haute Antiquité et dont le tracé correspond à peu de choses près à nos routes actuelles. Aussi la voie majeure était la voie côtière qui reliait les villes principales ; elle faisait partie d'un réseau plus
large allant d'Antioche jusqu'en Égypte. Une autre voie suivait le cours de l'Oronte, connectant Homs à Baalbeck, puis se dirigeait vers Damas. Enfin, plusieurs axes transversaux permettaient de relier la côte à l'intérieur des terres, comme celui reliant Beyrouth à Damas, ou Byblos à la Békaa.
Les légionnaires à l'oeuvre
« L'empereur César Marcus Aurelius Antoninus, Pieux, Heureux, Auguste, très grand vainqueur des Parthes, des Bretons et des Germains, grand pontife, après avoir fait trancher les montagnes qui surplombent le fleuve Lycus, a élargi la route par les soins de sa troisième légion gauloise antonine ». Stèle latine de Nahr el-Kalb. Photo Karim Paul Habet
Ce réseau routier a été construit principalement entre les Ier et IIIe siècles. Commandé par les empereurs, ce sont les légions qui étaient en charge de sa construction. Une inscription latine de Nahr el-Kalb relate que c'est la troisième légion gauloise qui aménagea la route à cet endroit stratégique, sous le règne de Caracalla, au IIIe siècle. Cette route fut réparée au IVe siècle par le gouverneur de Phénicie, Proculus, ainsi que l'atteste une autre inscription. On sait également qu'au IVe siècle, l'empereur Constantin ordonna la réfection de la voie côtière ainsi que l'attestent sept bornes milliaires trouvées entre Byblos et Sidon.
Construire la route
Étant donné l'importance que les routes revêtaient pour les Romains, ils y apportèrent un grand soin. Pour commencer, les géomètres définissaient un tracé aussi droit que possible. Ensuite, des légionnaires, des ouvriers ou des esclaves s'attelaient à creuser deux tranchées parallèles puis à retirer la terre entre les deux tranchées pour former un fossé. Une fois le roc atteint, on superposait trois ou quatre couches de
matériaux différents. Dans les villes, le revêtement était constitué de dalles qui étaient légèrement bombées pour permettre l'écoulement des eaux vers les caniveaux, creusés sur les bas-côtés.
La voirie des villes
La cité romaine s'organise généralement autour de deux artères principales qui traversent la ville : l'une, d'orientation nord-sud, le cardo maximus, et l'autre, d'orientation est-ouest, le decumanus maximus. On peut d'ailleurs encore se promener sur les cardos de Beyrouth, de Tyr et de Byblos. Leur largeur, d'environ
six mètres, devait permettre le croisement de deux chariots. Des routes secondaires plus étroites complètent la voirie. Ces routes se croisaient à un carrefour, le tetrapylon, comme c'est le cas à Anjar qui, bien qu'étant une ville omeyyade, reprend le plan d'une ville romaine. Contrairement aux chaussées empierrées ou en terre battue, les voies dallées des villes produisaient peu de poussière, étaient faciles
à nettoyer. Elles impressionnaient favorablement les voyageurs.
De beaux monuments comme décoration
L'arc monumental, les portiques et l'aqueduc qui longe la voie de Tyr. Photo Karim Paul Habet
Tétrapylon à Anjar. Photo Karim Paul Habet
Les voies urbaines étaient ornées de belles colonnades. Sur les côtés, des portiques étaient réservés à la circulation des piétons. Les entrées étaient marquées par des arcs monumentaux, comme à Tyr, et certains carrefours, de nymphées ou fontaines, comme à Beyrouth ou à Byblos. Des statues d'empereurs et de personnages illustres complétaient le paysage.
Les bornes milliaires, ancêtres des bornes kilométriques
Le milliaire à double inscription de Beyrouth, devant le musée de l'AUB. Photo Karim Paul Habet
Les panneaux routiers de l'époque se présentaient sous forme de colonnes en pierre de deux à quatre mètres de hauteur. C'était les bornes milliaires qui, en théorie, jalonnaient les voies tous les milles romains, soit tous les 1480 mètres. Ainsi le mille précédant Tyr était marqué par une borne au nom de l'empereur Philippe l'Arabe du milieu du IIIe siècle (aujourd'hui à l'entrée du site archéologique). La plupart des milliaires ont d'ailleurs été trouvés à proximité des villes comme Beyrouth, Saïda, Tyr ou Baalbeck, ou dans des lieux stratégiques comme Nahr el-Kalb. S'y trouvent affichés en latin le nom et le titre de l'empereur qui a aménagé ou réparé la voie, ainsi que la distance entre le début de la voie, le caput viae, et l'emplacement de la borne. Il arrivait qu'une borne soit réutilisée lorsqu'un nouvel empereur remaniait la voie.
C'est le cas d'une borne découverte sur le site de l'aéroport de Beyrouth (actuellement
au musée de l'AUB) qui comporte deux inscriptions. La première a été gravée sous Néron en 56 et fournit la distance la séparant d'Antioche, 234 milles, et celle la séparant de Tyr, 37 milles. La deuxième a été réalisée par Vespasien et date de l'an 72 ; elle indique la distance à Antioche uniquement.
Des ponts pour franchir les rivières
Pont romain de Maameltein, en arrière-plan, le pont actuel le remplace. Photo Karim Paul Habet
Pour franchir les cours d'eau, on avait construit des ponts. Si la plupart ont disparu, sans cesse remplacés
au fil des siècles, certains ont été conservés, soit en fondation, comme celui de Jebb Jennine dans la Békaa-Ouest, soit dans leur intégralité, comme celui de Maameltein. Ce dernier, qui enjambait la rivière de Ghazir, est formé de blocs taillés de calcaire et se compose d'une arche unique mesurant 12 m de portée. Il deviendra par la suite un repère topographique séparant les régions s'étendant de part et d'autre.
Des cartes pour les voyageurs
L'empereur Auguste avait fait représenter sur des cartes tout le système routier de l'Empire. Parmi les cartes romaines, la plus connue est la table de Peutinger, réalisée sans doute au IIe siècle, qui nous est parvenue sous forme d'un parchemin médiéval. Y figurent les routes et les villes principales de l'Empire romain. Le Proche-Orient et les principales villes libanaises y sont naturellement représentés.
« Tous les chemins mènent à Rome »
L'empereur Auguste avait fait ériger sur le Forum romain le miliarium aureum, ou « milliaire d'or ». Cette colonne, gravée de lettres dorées, marquait l'arrivée de toutes les routes d'Italie. D'où le célèbre dicton : «Tous les chemins mènent à Rome. »